Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/495

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres faits miraculeux que lui attribuait la croyance populaire, des gants retrouvés, des anneaux touchés par elle pour porter bonheur, le tonnerre qu’elle eût pu déchaîner à son gré, la puissance qu’elle aurait eue de s’élever dans les airs, n’obtint d’elle que des réponses négatives, simples et claires, sans aucun faux-fuyant ni aucune prétention. Elle nie ou elle ignore.

Souvent, elle en riait la première. Est-il une scène plus jolie que son entrevue avec le fameux frère Richard ? C’était devant Troyes, l’armée du Roi demandant la reddition. Frère Richard était dans la ville. Son éloquence et sa réputation de sainteté lui donnaient une grande autorité sur le peuple. On l’envoya devant pour savoir, apparemment, ce qu’était cette Jeanne. Il vint donc au camp français, la chercha, à ce qu’il semble dans l’intention de l’exorciser. Le bruit avait couru que Jeanne faisait des miracles et, notamment, pouvait s’enlever dans les airs. Dès qu’il la vit et d’assez loin, il s’agenouilla devant elle. Mais, quand Jeanne le vit à genoux, elle s’agenouilla à son tour devant lui et, ainsi, dit le vieux chroniqueur, « s’entre-faisoient grande chière et révérence. » Mais le bon frère Richard (et ici, nous suivons le récit de Jeanne), doutant encore que ce fût chose de par Dieu, tout en approchant, faisait le signe de la croix et jetait eau bénite. Si bien, qu’elle lui cria à la fin : « Approchez hardiment ; je ne m’envolerai pas[1] ! »

Reste la question du « signe » ou des « signes. » Comment Jeanne s’est-elle fait reconnaître comme « envoyée de Dieu ? » Comment a-t-elle inspiré confiance en ce qu’elle affirmait de sa mission ? Elle répondait aux clercs de Poitiers que son « signe » serait l’accomplissement. Encore fallait-il déterminer un premier mouvement d’adhésion chez ceux de qui tout dépendait, c’est-à-dire, au début, Robert de Baudricourt cl, ensuite, Charles VII. Elle prit, sur tous deux, l’avantage en les reconnaissant, d’abord, parmi leur entourage, alors qu’elle ne les avait jamais vus ; elle dit que ses voix les lui désignèrent. Mais, pour que Charles VII fût gagné, il fallut une révélation plus intime, une confidence plus haute et plus convaincante.

Sur le moyen dont elle se servit, il y a une sorte d’hésitation entre les témoignages ; il s’agit, tantôt d’un « secret, » tantôt d’un « signe ; » mais les contemporains ont plutôt insisté sur le « secret. »

  1. Revue Historique (IV, 342), et Procès (I, 100).