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Ainsi elle se déroba à la révélation du « secret » lui-même. Tout au plus peut-on reconnaître quelque allusion dans ces mots du procès-verbal : intersignia, des signes communs, et signum de factis suis (un signe concernant ses actions, c’est-à-dire les actions du Roi, à moins que cela ne veuille dire « mes actions, » les actions de Jeanne, car les deux sens sont plausibles).

Mais d’autres témoins ont affirmé l’existence d’un secret ou d’une révélation et en ont déposé au procès de réhabilitation, ou en ont témoigné dans leurs récits.

Ce qu’il y a de plus précis, c’est la déposition de Jean Pasquerel, le confesseur de Jeanne : « Quand elle s’avança vers lui, le Roi lui demanda son nom. Elle répondit : « Gentil Dauphin, j’ai nom Jehanne la Pucelle et vous mande le roi des cieux, par moi, que vous serez sacré et couronné à Reims et vous serez le lieutenant du roi des cieux, qui est roi de France. » Après de nombreuses questions du Roi, Jeanne dit de nouveau : « Je vous dis de la part de Messire, que tu es vray héritier de Finance et fils du roy ; et il m’a envoyé vers toi pour te conduire à Reims pour que tu y reçoives la couronne et le sacre, si tu le veux. » Le Roi ayant entendu cela, dit aux assistans que Jeanne lui avait dit des secrets que nul ne savait ou ne pouvait savoir, et c’est pourquoi il eut grande confiance en elle. Et toutes ces choses me furent racontées par Jeanne elle-même, ajoute Jean Pasquerel, car je n’y assistai pas[1]. »

On retrouve, en somme, dans ce récit, le schéma de la scène du « signe, » telle que Jeanne l’évoqua plus tard devant ses juges : l’ange (qui est elle-même), la promesse du couronnement, la présence de Regnault de Chartres et de toute la Cour. Mais on trouve aussi la mention du « secret » et le schéma de l’autre récit qu’ont fait les historiens, à savoir que Jeanne aurait révélé au Roi une prière que lui-même aurait adressée au ciel, dans le for de sa conscience, pour demander s’il était vraiment fils de France et héritier légitime du royaume. Jeanne d’Arc aurait connu ce doute et cette imploration dont le Roi n’avait parlé à personne et elle y aurait répondu : « Je te dis de la part de Messire que tu es vrai héritier de France et fils de Roi… »

Les autres témoignages, au sujet de ce secret, sont plus tardifs, moins sûrs et ne sont probablement que l’écho répercuté

  1. Procès, III (p. 103). — Les mots soulignés sont en français dans le texte comme ayant été recueillis de la bouche de Jeanne.