suis heureux de vous voir. » Aussitôt, sans autre compliment : « Est-ce vous qui avez donné le conseil de me faire venir du côté de la Sologne ? — C’était le conseil des plus sages. — En nom Dieu, mon conseil est meilleur que le vôtre. Vous avez voulu tromper et vous vous êtes trompés, etc., etc. » (III, p. 5.) En fait, elle a raison ; on l’écoute et on réussit.
Alors, les « miracles » se succèdent : le vent qui était contraire tourne et les bateaux chargés de vivres peuvent accéder à la ville. Dunois affirme que, dès lors, il fut ébranlé. Mais, quand il la vit s’avancer, près de lui, l’étendard à la main, traverser la Loire et entrer dans Orléans, il n’eut plus de doute et voyant qu’elle accomplissait ce qu’elle avait promis mieux que ne l’eût fait aucun chef de guerre, il comprit qu’elle venait bien de Dieu et, puisqu’elle disait qu’elle avait vu saint Louis et Charlemagne priant pour le salut du royaume, qu’il fallait l’en croire (déposition de Dunois, t. III, p. 6).
Même chose quand elle résolut d’attaquer les Anglais contre l’avis des chefs, et qu’elle les mit en fuite ; même chose, le 27 mai, quand, blessée, comme elle l’avait prédit, elle ne quitta pas le combat et fut guérie sans prendre de remède ; de même, quand, après avoir prié un instant, elle mena les troupes françaises à l’attaque du boulevard, et repoussa les Anglais terrifiés, Anglici tremnerunt et effecti sunt pavidi ; de même, quand elle annonça la mort de Gladsdale. Tout est miracle à Orléans, mais tout est aussi présence d’esprit, activité, courage.
A Jargeau, c’est le Duc d’Alençon qui reçoit les mêmes impressions. A l’occupation du faubourg, à l’attaque contre la ville, à l’assaut où elle faillit périr, le duc se persuade, comme elle le répète constamment, que c’est Dieu qui conduit l’opération. (III, 97.) Toute action est victoire et toute victoire miracle.
Mais, plus elle avançait, plus s’épuisait la force de prestige et d’entraînement déposée en elle. Les hommes aussi se lassaient. Ils ne pouvaient soutenir ce train. C’est encore à Dunois que nous devons le récit de deux incidens des plus poignans dans cette vie surnaturelle, et pourtant si humaine. On y voit l’énergie de « l’un » s’épuiser contre l’inertie de « tous. » A Loches, elle devine que, dans le Conseil du Roi réuni, on discute ses propositions, on met en doute sa puissance et ses conseils. Elle entre. Elle est debout devant ces hommes puissans aux sourcils froncés. Le Roi lui-même l’oblige à donner des explications. Que