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s’imposent à l’entendement humain plutôt qu’elles ne le convainquent. De ces volontés célestes, révélées par des faits terrestres, la divinité n’a pas à rendre compte à la raison humaine.

Il faut reconnaître pourtant que, s’il s’est présenté, depuis la mort du Christ et la conversion de Constantin, une circonstance où, au point de vue catholique, l’intervention de la Providence ait pu paraître nécessaire, c’est à l’heure où parut Jeanne d’Arc.

Si la France eût succombé, si la France fût devenue anglaise, ou si elle eût été partagée entre l’Angleterre et une Bourgogne à demi allemande, si le duché de Bourgogne s’était élargi et installé en royaume sur la Meuse et sur le Rhin, laissant Paris, Nantes, Bordeaux et peut-être Toulouse aux Plantagenets, c’en était fait des pays latins, c’en était fait de la pensée et de la civilisation méditerranéenne, en tout cas, de la tradition romaine.

Rome, encore sous le coup du schisme, n’eût pas résisté à l’assaut formidable que la « Réforme » extérieure à l’Église se préparait à lui livrer. Dans l’anarchie païenne de l’Italie, dans la floraison du luxe violent et sensuel propre à l’hégémonie bourguignonne, l’écroulement du trône de Charlemagne et de saint Louis eût creusé un gouffre qui, probablement, n’eût jamais été comblé. Donc, si la volonté divine eut jamais à corriger ou à prévenir les conséquences des erreurs humaines, ce fut alors. L’Eglise catholique ne fait que remplir un devoir de gratitude en élevant Jeanne d’Arc sur ses autels.

Mais la France n’est pas seulement « la fille aînée de l’Eglise : » elle est aussi la patrie de Montaigne et de Descartes, le pays du philosophisme et de la Révolution, l’apôtre le plus déterminé de la subordination du monde aux lois de la raison. Ces pages de l’histoire de la France ne peuvent être supprimées pas plus que les autres ; le recto tient au verso.

En face de l’explication hagiographique, une autre s’est produite, suite naturelle de cette contre-partie de l’histoire française : non moins absolue en ses affirmations que la première, au nom des sciences naturelles, de l’observation physiologique et