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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/515

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imprévues, les ruines soudaines égalisent toutes les chances. Le règne qui vit Jeanne d’Arc vit aussi Jacques Cœur. Tandis que la plus fière aristocratie écrase la foule par son orgueil, la mort l’entraîne, comme les autres, en sa danse macabre et rit à belles dents de la jeter au feu éternel. Le monde n’est qu’une immense « nef des fous, » vouée au naufrage, si la miséricorde divine ne le prend en pitié. Tout est incohérence, absurdité. L’Antéchrist est né :


J’ai vu, par excellence,
Jeune homme de vingt ans
Avoir toute science
……..
Comme un jeune antechrist.


Dans une époque ainsi agitée, exaltée par la rébellion de toutes les passions et l’attente de tous les prodiges, les hommes devaient-ils s’étonner de l’apparition et de la mission divine d’une femme qui s’appelait fille du Ciel et fille de Dieu ? N’était-elle pas annoncée par les prophètes et les Pères de l’Eglise ? Toute l’épopée chevaleresque n’était-elle pas un hymne en l’honneur de la femme ; n’était-ce pas elle qui devait, une fois de plus, écraser la tête du serpent ?

C’est par la mention de cette Pucelle de Dieu que le Bourguignon, ennemi pourtant des choses françaises, commence son étrange énumération :


En France la très belle,
Fleur de chrétienté,
Je vis une Pucelle
Sourdre en autorité,
Qui fit lever le siège
D’Orléans en ses mains,
Puis le Roy, par prodige,
Mena sacrer à Reims.

Sainte fut adorée
Par les œuvres que fit.
Mais puis fut rencontrée
Et prise sans profit (sans rançon) :
Arse à Rouen en cendre,
Donnant depuis entendre
Son revivre autre fois.


Elle ressuscitera comme le Christ, c’est la croyance même des « adversaires. » Elle a été « l’instrument de Dieu. »