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poli, mais hésitant. La population, en revoyant son ancien favori dans sa réincarnation officielle, semblait se demander si elle allait le retrouver tel qu’elle l’avait connu ou si la scène allait finir comme celle où Shakspeare place, sur le chemin d’Henry V, le vieux Falstaff, le compagnon de sa jeunesse, son précepteur de folie et de plaisir. Le discours à la Chambre de commerce anglaise mit fin à tous les doutes et expliqua clairement les intentions du Roi :

« La divine Providence a voulu que la France fût notre proche voisine et, j’ose l’espérer, notre meilleure amie. Il n’est pas deux nations dans le monde que leur prospérité fasse plus intimement solidaires l’une de l’autre. Il est possible qu’il y ait eu des malentendus et des causes de dissentiment dans le passé ; mais ces différences sont, je crois, heureusement dissipées et oubliées, et je suis persuadé que l’amitié et l’admiration que nous éprouvons tous pour la nation française et pour ses glorieuses traditions peut, dans un avenir prochain, se transformer en un sentiment de sincère et profonde affection entre les peuples des deux pays. C’est le but de tous mes désirs et je compte sur vous, Messieurs, qui résidez dans cette belle cité et recevez l’hospitalité de la République française, je compte sur vous tous et sur chacun de vous en particulier pour m’aider à atteindre ce résultat. »

Dès que ce discours fut connu, on put en constater l’effet. Le lendemain, les acclamations, sur le passage du Roi, doublèrent d’énergie. Elles furent encore plus enthousiastes après la visite à l’Hôtel de Ville, lorsqu’il répondit en français aux gracieuses paroles de bienvenue qui lui étaient adressées par le président du Conseil municipal :

« Je n’oublierai jamais ma visite à votre charmante ville, et je puis vous assurer que c’est avec le plus grand plaisir que je reviens à Paris, où je me trouve toujours comme si j’étais chez moi. »

Si, à la fin du XVIe siècle, Paris valait bien une messe, on peut dire qu’au début du XXe siècle il valait bien un compliment que, d’ailleurs, on sentait parfaitement sincère. Le demi-succès du premier jour s’était changé en triomphe au départ. L’entente cordiale était fondée.

Tout le monde sait avec quel zèle et quelle patience Edouard Vil continua l’œuvre, si bien ébauchée à Paris en 1903. Les visites cordiales des marins anglais à Brest et des marins