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REVUE MUSICALE


THEATRE DE L’OPERA. : Salomé, d’Oscar Wilde et de M. Richard Strauss. — THEATRE DE L’OPERA-COMIQUE : Le mariage de Télémaque, comédie lyrique en six tableaux ; paroles de MM. Jules Lemaître et Maurice Donnay, musique de M. Claude Terrasse.


Pour la seconde fois, sur une scène lyrique de Paris, on a vu, pendant une heure et demie, au moins, se débattre la question de savoir si les lèvres de Salomé baiseraient ou non les lèvres du Précurseur. Et lorsque, à la fin, n’ayant pu les baiser vivantes, elles les baisèrent mortes, quand la femme impure et meurtrière eut pressé de ses bras, de sa bouche, la tête coupée et la bouche pâlie du saint et du martyr, alors quelques spectateurs trouvèrent, comme la première fois, la donnée du problème choquante, et monstrueuse la solution.

Il est entendu que la forme, ou la facture de la musique de M. Richard Strauss est d’une habileté surprenante. Elle consiste surtout, presque seulement, dans l’orchestration, dans les timbres ou les sonorités, lesquelles ressemblent à la couleur, au vêtement, à la parure d’une œuvre musicale, plutôt qu’elles n’en sont la réalité, le corps et l’être même. On sait aussi que le drame de M. Strauss est exclusivement orchestral : nous ne disons pas symphonique, et nous verrons pourquoi. L’orchestre y est le seul agent expressif, le maître. Il y entretient avec la voix des relations le plus souvent difficiles, désagréables, voire pénibles. Or on commence à trouver que cet état de choses, cette brouille ou cette guerre entre les élémens de toute « action » lyrique, a duré trop longtemps. Nous avons assez du « tout à l’orchestre » et, fût-ce en musique, de la tyrannie du nombre. Elle s’exerce à peu près sans partage, et même sans contrôle, dans Salomé.