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puissance anglaise s’installer à demeure sur la Loire et réunir ainsi des domaines de la Guyenne et de la Gascogne à la Normandie et à l’Ile-de-France. Henri VI, maître d’Orléans, c’était la France anglaise. Le Duc de Bourgogne était aussi hostile à une telle issue qu’à un succès décisif de Charles VII. On le comprenait autour de celui-ci et c’est ce qui tenait les habiles de la Cour en haleine, dans l’espoir d’un rapprochement.

Après la bataille des Harengs, les assiégés, s’étant mis, certainement, d’accord avec la Cour, envoyèrent au Duc de Bourgogne une ambassade pour implorer son intervention et lui offrir de mettre la ville et le duché d’Orléans sous sa garde. Cela se passe en mars-avril 1429.

Le Duc de Bourgogne comprend le parti qu’il peut tirer d’une telle ouverture. Il vient à Paris et s’offre au duc de Bedford comme arbitre du débat et séquestre du duché. Il eût ainsi tenu en suspens et manié à son gré le sort du royaume. Le régent d’Angleterre n’en était pas là. Il rejette, de très haut, la proposition, disant « qu’il seroit bien fâché d’avoir battu les buissons pour que d’autres eussent les oisillons[1]. »

L’explication fut vive. Bedford reprocha au Duc de Bourgogne qu’il usait de belles paroles, « recherchant plutôt le bien du Dauphin que celui du roi d’Angleterre et le sien propre. » Philippe, vexé à son tour ou feignant de l’être, aurait raconté, à l’ambassade, « comment les choses s’étaient passées, » et, avec des paroles d’encouragement pour Charles VII, aurait conclu « que ledit Dauphin, avec tout son parti, seroit bien misérable et de peu s’il n’arrivoit à prendre des forces et qu’on pouvoit faire entendre au Dauphin que lui, Duc de Bourgogne, ne se mêleroit plus de rien. »

En effet, Philippe le Bon envoya l’ordre à ses troupes, par un héraut arrivé à Orléans avec l’ambassade, de quitter le camp des assiégeans ; ce qu’ils firent aussitôt : « dont la puissance des Anglais affoiblit moult. »

La situation s’améliore. L’entourage de Charles VII, dans ses deux partis principaux et à l’exclusion des vieux Armagnacs mis à l’écart ou subordonnés, reprend confiance et se confirme

  1. Sur la date, les conditions de l’accord proposé par le Duc de Bourgogne et la rupture violente avec Bedford, voyez Chronique de Morosini dont l’informateur tient, certainement, ses renseignemens de l’entourage du Duc de Bourgogne (t. III, p. 12-21) et l’annexe XIV, à la fin du tome IV.