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prise intimo corde. L’entourage comprit : le silence des rois est la leçon des courtisans. Jeanne avait donc obtenu, du premier coup, un accès direct auprès de l’âme du Roi. L’étant venu chercher de si loin, de même qu’elle l’avait reconnu dans la foule, elle avait discerné les points par lesquels il était accessible : elle l’avait touché.

Cela ne plut pas.

Mais Jeanne n’est pas sans appuis. Il est facile de deviner qu’ils lui viennent, surtout, de la volonté du Roi. Il confie l’examen à des hommes qu’il sait, d’avance, favorables. Le « parti » de Jeanne d’Arc se compose, en effet, de personnages qui tiennent à la personne de Charles VII : les vieux Armagnacs rappelés par La Trémoïlle contre Richemont, mais laissés dans l’ombre ; les partisans de la guerre, les énergiques, les soldats. Au premier rang, la reine Yolande, qui présida la commission chargée d’examiner d’abord la Pucelle, et où figure aussi Jeanne de Mortimer, femme de Robert Le Maçon, et Jeanne de Preuilly, femme de Gaucourt ; le Duc d’Alençon, tête peu solide et cœur peu sûr, mais attaché à la cause des d’Orléans, ne fût-ce que comme gendre du duc Charles, prisonnier en Angleterre. Puis, les Le Maçon (Procès, III, 11), les hommes du président Louvet, et notamment son gendre, l’illustre Dunois, bâtard d’Orléans, Gaucourt, gouverneur d’Orléans (qui avait un pied dans les deux camps et qui changea bientôt), puis Florent d’Illiers, Rabateau, etc.

Mais le plus fort contingent et le plus influent, ce sont les clercs. Le Roi trouve là des esprits bien disposés et sur lesquels il est facile d’agir : son confesseur en titre, Gérard Machet ; celui-ci se déclare, du premier jour, sans barguigner : c’est qu’il connaît la pensée royale[1] ; de même un confident habituel de Charles VII, Christophe d’Harcourt, qui, dit-on, déclara avant les autres, à Poitiers, que Jeanne était bien envoyée de Dieu et qu’elle était la Vierge dont parlaient les prophéties[2] ; » et encore Philippe de Coëtquis, archevêque de Tours et conseiller du Roi, avec son doyen P. l’Hermite (en général Tours, qui craint le sort d’Orléans, est favorable à la Pucelle ; c’est là qu’elle s’arme, choisit sa maison, fait peindre ses bannières, etc.).

  1. Déposition de Gobert Thibaut (Procès, III, 75). — Œneas Sylvius dans Procès (V, 509). — Cr. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII (II, p. 58).
  2. Goerres (p. 119). — cf. Procès (IV, 208).