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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/894

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veille quittèrent le Durbar et vinrent s’installer à Pashpati, le lieu saint du Népal brahmanique. On vit apparaître alors un roi falot, le fils de Rana Bahadour, prêchant la paix et s’inclinant sous l’orage. La tragédie finit en comédie judiciaire : une théorie de faux témoins vint déposer contre Bhim Sen Thapa abandonné de tous. Nul cependant ne voulut prendre la responsabilité de sa mort. Le vieillard fut obligé de se la donner lui-même. Devant la menace d’être plongé jusqu’au cou dans une fosse d’immondices et de voir les femmes de son sérail promenées nues dans la ville, il se frappa de son koukhri pour éviter l’ignominie d’un supplice déshonorant et la perte de sa caste pour lui et tous les siens. Son corps fut traîné dans les rues, dépecé et les membres épars abandonnés aux fauves. Un décret exclut sa famille de tous les emplois pour sept générations (1839). Vaine formule, car, après un court passage au pouvoir du Panré vainqueur, les Thapa reviendront s’y installer en maîtres, pour longtemps.

Pour faire diversion, Ran Jang Panré excita le chauvinisme des Népalais que Bhim Sen avait eu tant de peine à contenir, depuis le traité de Segowlie. Des prophéties habilement répandues annoncèrent la fin de la domination anglaise ; on fit de bruyans préparatifs de guerre ; un recensement militaire donna 400 000 hommes en état de porter les armes ; des relations furent nouées avec tous les petits Etats voisins de l’Angleterre.

Mais l’argent manque toujours et les moyens employés pour s’en procurer discréditent le nouveau ministre. Il feint de restituer à l’Etat tous les biens qu’il en a reçus et oblige tous les bénéficiaires des donations royales à suivre son exemple. La noblesse s’alarme et, faisant trêve aux luttes intestines, s’assemble en 1842 pour demander au Roi de protéger la vie et les biens de ses sujets. Enfin, l’armée craignant de voir sa solde diminuée se mutine, réclame les razzias dont le Gourkha vivait jadis et menace de descendre sur les Indes.

Pendant la guerre de l’Opium (1840-1842), les Gourkhas, ayant appris que les Anglais étaient en guerre avec la Chine, envoyèrent au Commissaire impérial chinois, résidant au Tibet, un ambassadeur chargé de lui offrir le concours des troupes népalaises contre l’Angleterre dont ils recevaient chaque jour « les marques de mépris. » L’historien chinois, traduit par M. C. Imbault Huart, raconte que le commissaire impérial ne