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Bahadour voulut quitter le pouvoir. Il démissionna en faveur de son fils. Le Roi rendit sa charge héréditaire, lui conféra le titre de Maharaja avec tous les droits souverains de vie et de mort sur les sujets des deux provinces qu’il lui octroyait et lui donna le contrôle absolu sur les relations extérieures avec l’Inde et la Chine. L’Angleterre refusa d’accepter cette organisation nouvelle du gouvernement népalais et Jang Bahadour reprit ses fonctions de premier ministre en 1857, au moment de la révolte des Cipayes qui mettait alors l’Angleterre en si grand péril. Il eut l’habileté d’offrir le concours du Népal aux Anglais et conduisit lui-même 12 000 hommes de troupe dans les Indes, ce qui ne l’empêcha pas, plus tard, de donner discrètement asile à Nânâ Saïb. Il maintint son indépendance et, en 1860, l’Angleterre reconnaissante restitua au Népal la partie du Téraï voisine de l’ancien royaume d’Aoudh.

Jang Bahadour mourut en 1878, de la fièvre, disent les uns, de la blessure d’un tigre, disent les autres. Quelle que soit la vérité, nous aimons à opter pour la seconde version, afin qu’il reste établi que les hommes doivent mourir comme ils ont vécu. Cependant, le même ministre qui était entré en fonctions avec les méthodes de gouvernement que nous avons exposées, essaya d’introduire dans son pays des mœurs plus douces. Il n’autorisa plus les mutilations qu’en châtiment des fautes les plus graves, réserva la peine de mort à l’expiation du meurtre ; il essaya même de restreindre l’usage de la sati, suicide rituel des femmes sur le bûcher de leur mari. On peut donc dire que, par l’intermédiaire de ce despote asiatique, un peu de civilisation de l’Occident pénétra au Népal. Après lui, son frère devint premier ministre, en attendant que son fils aîné fût en état d’assumer la charge. Trois ans plus tard, en 1881, le Roi mourut après un long règne sans pouvoir réel, et son petit-fils Prithivi Vira Vikrama Sàh, né en 1875, monta sur le trône. C’est lui que j’aurai le plaisir de voir.

Un nouveau coup de force eut lieu le 22 novembre 1885 ; les trois neveux de Jang Bahadour, les fils mêmes de Bir Sham Sher, l’héroïque défenseur du Népal contre le Tibet, assassinèrent celui qui détenait le pouvoir et était aussi leur oncle et mirent à mort quelques-uns de leurs cousins, héritiers de la charge tant convoitée ; les autres s’enfuirent et disparurent.

Bir Sham Sher s’empara des fonctions de premier ministre ;