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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/113

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d’ailleurs, par fierté patriotique, d’admettre que de pareilles choses se passent dans notre pays.

Il y a encore ceux qui, rendus hostiles par un sentiment exagéré de la liberté de la pensée ou de celle de l’art, réclament leur complète immunité. A ceux-là il faut répondre.

Parlons d’abord des premiers. Voici leurs principaux argumens. Les faits ont-ils donc tant de gravité qu’il faille risquer, pour les atteindre, de troubler la tranquillité des citoyens ? Qu’est-ce que quelques publications ou images honteuses, généralement plutôt grivoises qu’obscènes, toujours les mêmes, adressées seulement aux quelques libertins qui les recherchent, plus propres à exciter le dégoût qu’à éveiller les passions ? Ne suffit-il pas du mépris public pour avoir raison d’une crise évidemment passagère ? Veut-on proscrire la gaieté française ? Ces ignominies ne nous viennent-elles pas d’ailleurs, de l’étranger ?

Autant d’erreurs.

Je pourrais me borner à y répondre par le sentiment universel de l’étranger, si puissamment révélé par la double enquête faite, en 1908, par le Congrès des sociétés privées et, ces jours derniers, par la conférence des délégués des gouvernemens. Comment douter devant une pareille et aussi unanime manifestation ?

Mais voici des précisions et des chiffres.

Il ne s’agit pas de quelques publications isolées. Il y a quelques années déjà, des saisies pratiquées faisaient mettre sous scellés, chez un seul marchand, 67 paquets d’images, écrits ou objets obscènes, chez un autre 248, et il nous était donné de voir chez un juge d’instruction un cabinet dont tous les murs étaient encombrés de hautes piles de ces ignobles produits. On trouvait que c’était énorme. C’est bien pis aujourd’hui. Une perquisition récemment faite dans un dépôt soigneusement caché dans une villa isolée de la banlieue, faisait découvrir d’un coup 10 000 kilos de ces ordures, estimés 60 000 francs. Une autre, presque d’hier, amenait la saisie, outre une importante quantité de photographies, albums, brochures, objets spéciaux, de 4 000 volumes obscènes et de 1 500 kilos de clichés pornographiques.

Toujours les mêmes, dit-on. Est-ce vrai ? Certains catalogues contiennent 2 et 300 numéros divers. Celui dont j’ai déjà parlé a 70 articles. Chacun d’eux indique les titres des ouvrages et