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fut tout. D’ailleurs, nos torrens débordent régulièrement une fois ou deux tous les vingt ans, et la dernière inondation n’a pas été plus terrible que ses devancières. » La forêt de Chavagnac à Saint-Amandin fut vendue en deux lots en 1907 : des deux acquéreurs, l’un se borne en ce moment à extirper les plantes surabondantes, et l’autre n’a pas encore touché un seul arbre. Que reprocher à la Société forestière de Sost qui fait respecter chez elle plus de réserves que la loi elle-même n’en prescrit en bois soumis au régime forestier ? Mais c’est autour de la forêt de Lapazeuil de Counozouls, vaste et beau massif du fond de la vallée de l’Aiguette, affluent de l’Aude, que s’est fait le plus de bruit. En 1894, un nouveau propriétaire avait voulu réduire les usages à la dépaissance et les délivrances de bois dont avaient joui sans trouble, tant que ce domaine était resté en la possession de la famille de Larochefoucauld, les habitans de Counozouls. D’où révolte et procès, dont on ne vit la fin qu’après le transfert du domaine en 1903 à un troisième propriétaire, la maison Ader, de Bayonne, qui consentit à légitimer les prétentions des habitans et leur revendit la forêt par un traité aussi ingénieux qu’humanitaire. MM. Ader et Cie couperont en trente ans tous les arbres d’une circonférence supérieure à 0m, 80, mais, à l’expiration de ce terme, ils céderont le fonds et les arbres restés sur pied à une société civile formée par les 90 ménages locaux, moyennant une somme de 80 000 francs, dont leurs chefs se libèrent, dès à présent, par des annuités payables en journées de travail qu’ils fournissent comme bûcherons, débardeurs, charretiers, etc. L’avenir de la forêt est ainsi assuré, car on y conserve assez de sapins pour garantir la reformation de peuplemens complets à bref délai et le but de la Société civile est de les soumettre, aussitôt qu’elle sera propriétaire, à des coupes réglées, de façon à en tirer un revenu annuel et constant et une occupation pour ses membres en dehors des époques du travail agricole.

Depuis un demi-siècle, en projetant des routes, des tramways, des chemins de fer, on n’a jamais manqué de faire ressortir l’avantage d’utiliser d’immenses matériaux ligneux disponibles dans les régions reculées. Maintenant que ces progrès sont réalisés, n’est-il pas contradictoire d’accuser le commerce de dévastation, quand il ne fait que profiter des bénéfices qu’on a voulu lui procurer ?