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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/362

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les belles foules du matin ; elles se sont abritées et ne reparaîtront un peu qu’à la fin de la journée. Alors, grimpons dans la forêt et gagnons le plateau d’où la vue sur toutes les montagnes est si émouvante. Chemin faisant, nous longeons des temples, perdus sous les bois, à l’entour desquels les singes pullulent, gardiens et pensionnaires de ces vieux sanctuaires. Certains sont fort gros et l’un d’eux, facétie ou méchanceté, fait mine de vouloir s’élancer. La canne doit intervenir et notre ferme attitude arrête les hostilités. C’est toujours Pashpati, le centre vénéré du monde çivaïte. La grande fête de Çiva-Pashpati attire des Indes des foules pieuses, avides d’adorer le linga aux quatre faces. On monte alors sans formalités et sans droits à payer, à moins que la peste ne sévisse aux Indes ; dans ce cas, l’entrée du Népal est interdite. Le Roi lui-même vient alors accomplir la pouja, et, dans l’après-midi, une grande revue réunit ses troupes au beau champ de manœuvre de Tandi-Khel.

Une fois sur l’immense camping du plateau, où le lieutenant viendra bientôt avec ses hommes pour les manœuvres, nous apercevons un grand nombre de villages répartis tout autour de notre horizon et nous nous dirigeons, au milieu d’un troupeau de buffles en gaîté, vers des habitations. Partout, les façades de ces maisons villageoises réjouissent l’œil par de charmans détails de sculpture ; la case reconstruite ou restaurée a gardé les vieux bois, les deux ou trois colonnes de la galerie du rez-de-chaussée, les encadremens des fenêtres, les balcons à panneaux clos qui remplaçaient les vitres inconnues, tous travaux d’art des anciens Newars que les maîtres actuels n’ont pas encouragés. Toujours en tuiles ou en chaume, les toitures sont en parfait état, ce qui, dans nos campagnes, est toujours signe d’aisance. Malgré l’ardent soleil qui darde, il y a ici de l’air, et sous mon grand casque, je circule aisément pendant deux ou trois heures. Puis, de nouveau, l’on se rapproche des sanctuaires et des singes qui, très nombreux, se dégourdissent de leur sieste et dont nous troublons les ébats. A la lisière de la forêt, au milieu des grands arbres, c’est toute une ville de temples : chose extraordinaire au Népal, tous se ressemblent et répètent avec régularité le dôme en forme de cloche qui domine à Pashpati dans cette architecture du XVIIe siècle. Devant tous les mandirs blancs les lingas traditionnels ; quelques-uns sont décorés des quatre visages, tels que ceux qui couronnent les tours des