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coups de pierre après lesquelles les blessés et prisonniers des deux partis étaient immolés en sacrifice ; mais un jour qu’un Résident anglais assistant au combat fut blessé, Jang Bahadour en profita pour interdire le terrible jeu de ces sauvages héros. Ces deux races si différentes ont cependant des points communs, le patriotisme, la religiosité et l’amour de l’astrologie, qui joue toujours un grand rôle dans la vie népalaise.

Si le peuple accueille gaîment comme un spectacle curieux l’étranger isolé, le Gourkha des hautes classes reste méfiant et soupçonneux à juste titre, il prépare sans défaillance la défense du pays et se tient constamment armé. Le colonel Résident anglais me parle de 45 000 hommes de bonnes troupes, mais, aux Indes, on donne un chiffre plus élevé. Une telle armée d’ailleurs, pour garder les chemins d’accès que nous savons, munie de petits canons de montagne, doit constituer déjà une force très sérieuse. Il faudrait, pour la vaincre, des sacrifices que le gouvernement des Indes ne fera pas, dans le temps surtout où son grand empire lui prépare bien d’autres embarras. Seule une révolution népalaise suscitant chez l’un des partis l’appel à l’étranger pourrait lui ouvrir le pays. L’Angleterre n’aurait-elle pas plus d’intérêt à s’y garder un allié voisin et dévoué ?

Les Gourkhas, les Gouroungs, les Magars, les Limbous, races pastorales de la montagne, sont autorisés à émigrer aux Indes pour s’engager dans l’armée anglaise. Ils y sont nombreux ; soldats dans l’âme et ne pouvant plus satisfaire leur tempérament belliqueux dans des guerres intestines, ils deviennent volontiers mercenaires. Aussi, à leur retour, après dix ans de service, les meilleurs fournissent-ils de parfaits officiers et sous-officiers de l’armée népalaise, qui a maintenant adopté toutes les méthodes indo-anglaises ; les autres constituent une importante réserve, qui formerait instantanément, en cas de besoin, un excellent contingent. La cavalerie est peu nombreuse, elle serait inutile dans ce pays de montagnes. Trois régimens de l’armée népalaise, uniquement composés de Gouroungs, n’admettent que des hommes au-dessus de cinq pieds six pouces.

La contribution foncière, les douanes, divers monopoles, le maigre produit des mines qui pourraient rapporter bien davantage, tout cela ne doit pas assurer au Népal un budget très considérable. On paie les troupes surtout en nature par des attributions de terres appartenant à l’Etat, comme dans l’antiquité