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ont cherché une occasion de montrer, eux aussi, leurs forces et de les mesurer avec celles de l’ennemi. Ils ont cru la trouver dans l’élection de la commission du suffrage universel, et un député socialiste du Cher, M. Breton, s’est chargé de la manœuvre à faire. Il l’a conduite avec un certain brio. On venait de décider, nous l’avons dit, que chaque groupe aurait droit à un certain nombre de commissaires. — Pourquoi prendre ce détour ? a demandé M. Breton. Les tenans de la représentation proportionnelle ont une belle occasion d’appliquer leur système tel qu’ils l’ont exposé dans leurs discours, dans leurs journaux, dans leur propagande. Que n’en usent-ils ? La commission du suffrage universel doit être élue au scrutin de liste dans la Chambre entière, aussi bien en dehors des groupes que des bureaux, mais avec représentation proportionnelle des diverses listes qui seront en présence. — Tel a été le sens de la proposition de M. Breton. Il n’y avait peut-être aucun motif de s’y opposer, si ce n’est que vingt-quatre heures auparavant, on avait, pour toutes les grandes commissions, adopté un autre système, et qu’il n’est pas bon qu’une assemblée donne un trop fréquent exemple d’instabilité, et de mobilité. Les partisans de la représentation proportionnelle ont craint un piège ; toutes les apparences faisaient croire en effet que M. Breton voulait leur en tendre un. De plus, M. Breton tenait à leur égard un langage agressif ; il déclarait que sa proposition avait pour objet de dissiper le bluff avec lequel ils essayaient d’en imposer au pays. Leur prétention était d’être 319 à la Chambre : ce chiffre n’était qu’une fantasmagorie. On connaît M. Charles Benoist, sa conviction passionnée que la représentation proportionnelle est pour nous la voie du salut, son ardeur à la lutte. Il a bondi à la tribune, protestant avec véhémence contre l’accusation d’inexactitude dont la liste de ses adhérens était l’objet. Le moyen le plus simple de réfuter l’accusation était de lire la liste à la tribune : c’est ce qu’a fait M. Charles Benoist. Les noms des 319 sont successivement sortis de ses lèvres. M. Rauline seul a retiré le sien, à quoi M. Charles Benoist a répondu qu’il en restait 318, ce qui est encore la majorité de l’Assemblée. Depuis, le chiffre s’est d’ailleurs élevé à 322. M. Breton devra donc renoncer à parler de bluff, et chercher d’autres argumens.

Mais l’intérêt de sa proposition n’était pas dans la forme qu’il voulait donner au vote ; il lui importait sans doute assez peu que ce vote eût lieu dans les groupes ou en séance plénière de la Chambre convertie en assemblée électorale ; ce qu’il désirait surtout, c’était que le vote fût secret. M. Breton connaît-il bien ou mal ses collègues ? Nous