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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/519

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noble que le Pape, parce qu’elle est l’épouse de Jésus-Christ, auquel elle est unie par des liens indissolubles… Le corollaire des propositions précédentes c’est que l’Eglise catholique est supérieure au Pape. »

La conclusion immédiate et plus actuelle encore, c’est que le concile, c’est-à-dire l’Eglise assemblée, a une autorité prédominante et qu’il peut faire le procès au Pape, le destituer… ; et c’est ce qui arrive : Jean XXIII est révoqué. « Pour tous ces crimes et beaucoup d’autres mentionnés dans les pièces du procès, le concile le juge indigne du pontificat et, par cette sentence, il le prive et le dépose réellement et véritablement de cette dignité[1]. »

De même des deux autres prétendans ; Grégoire XII, effrayé, cède la place volontairement ; et comme Pierre de Luna (Benoît XIII) s’obstine, il est déclaré « fauteur de schisme et de division, schismatique, hérétique en ce qu’il viole l’article du symbole qui nous ordonne de croire en l’Eglise une, sainte et catholique, qu’il est indigne de tout titre, honneur, grade et dignité, rejeté de Dieu et exclu, pour toujours, de tout droit à la Papauté. »

L’Eglise catholique n’était pas assurément, alors, une école de respect.

Nous étonnerons-nous, maintenant, que ces solennelles déclarations enorgueillissent, par contre-coup, les corps, subordonnés peut-être, mais glorieux en somme, qui seuls subsistent dans l’universel effondrement ? Les auteurs de ces sentences, de ces prophéties, de ces anathèmes, sont des hommes ; ils ont leurs passions, leurs vanités, leur pédantisme, leurs erreurs : c’est à leur tour de se croire des Dieux.

L’Université de Paris joua un rôle considérable au Concile de Constance : elle avait grandement contribué à la déposition de Jean XXIII, désirée d’ailleurs et habilement préparée par le Duc de Bourgogne, Jean sans Peur, et par ses envoyés au concile. A Paris, le gouvernement était, alors, aux mains des Armagnacs, plutôt favorables à Jean XXIII, et le Dauphin vit

  1. M. N. Valois dit : « Ce que cette sentence pouvait avoir d’irrégulier ne tarda pas à être suppléé par le condamné lui-même. Balthazar Cossa (Jean XXIII) acquiesça entièrement au jugement du concile qu’il déclara ne pouvoir faillir, ratifia lui-même, « de son propre mouvement, » la sentence qui le déposait. Ainsi, celui des trois Papes qui tombait, le premier, sous les coups de l’Assemblée était celui-là même qui l’avait convoquée, ouverte et présidée… » La France et le grand Schisme (t. IV, p. 312).