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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/784

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1789, et qui est intitulé : Précis historique sur Crumwel [sic], suivi d’un extrait de l’Eikon Basiliké, ou portrait du Roi, et du Boscobel, ou récit de la fuite de Charles II, et d’une anecdote concernant Mylord Stairs, par M***, de l’Académie de Marseille[1]. Ces deux opuscules n’ont pas en eux-mêmes un intérêt capital ; mais ils nous renseignent, à sept années d’intervalle, d’une manière assez précise sur l’état d’esprit de Joubert, et même sur la prochaine évolution de sa pensée.

Le Précis historique sur Colomb relève essentiellement de l’histoire « philosophique, » telle qu’on l’entendait au XVIIIe siècle. Raynal et Voltaire ont manifestement mis là leur « empreinte. » Les « tyrans » et les prêtres, le « fanatisme » et l’Inquisition ne sont point ménagés ; il y a une page d’un haut goût sur Alexandre VI Borgia, et, — vous vous y attendiez, — une autre aussi, où les vers s’entrelacent à la prose, sur la condamnation de Galilée. Louis XI est appelé « le Tibère français ; » les maux de la guerre sont justement flétris, et la gloire des Lettres superbement célébrée ; les grands hommes, Aristide et L’Hôpital, Fénelon, « dont le nom. suffit à la gloire et rappelle des vertus de tous les genres, » Sénèque et Bélisaire, Miltiade et Camille, Catinat et Germanicus, Agricola et Agis, Cicéron et Colbert, Marcellus et Le Tasse, Magellan et Galilée, Camoens et Dryden, Socrate et Phocion, Voltaire et Colomb, tous les « mages » enfin, sont exaltés au-dessus de tous les rois, princes ou princesses, qui sont généralement ou fourbes, ou superstitieux, ou ingrats. « Le génie le plus universel, le défenseur des Calas et des Sirven, le créateur d’une philosophie amie de l’homme et d’une révolution utile à son bonheur, la gloire de sa nation, l’objet du culte de toutes les autres, l’honneur de son siècle, et le rival de tous les talens de l’antiquité, Voltaire n’a reçu qu’à peine une sépulture inconnue et disputée. » « M. Diderot » est mis sur la même ligne que Tacite. Il n’y a guère que Rousseau, chose assez curieuse, que je ne voie pas mentionné dans ce dénombrement homérique des « bienfaiteurs de l’humanité. » Les derniers venus, Marmontel et La Harpe, Garat et Fontanes sont traités avec la plus-flatteuse déférence. On voit le ton, et surtout la tendance : c’est exactement celle de l’Histoire philosophique des Deux Indes et de

  1. C’est évidemment Langeac que l’anonymat semble désigner ici, et c’est à lui d’ailleurs que la Biographie des hommes vivans « attribue » le volume. J’ai entre les mains une édition datée de Genève, an IX : elle ne porte aucun nom d’auteur.