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tous les édifices de la première Renaissance, dite gothique, durant les XIIIe et XIVe siècles, se trouvent déjà juxtaposés ici. Dans l’église inférieure, c’est encore la vieille tradition latine et romane, la tradition indigène qui, malgré tout, persistera en Italie, sous l’enveloppe adventice et passagère du décor gothique, pour reprendre au XVe siècle son autorité par le triomphe de l’humanisme. Dans l’église supérieure, c’est hardiment et franchement, à l’intérieur, pour la première fois peut-être, et presque pour une seule fois, l’adoption quasi complète de l’innovation française et son adaptation, par l’étendue des murailles offertes aux images de plate-peinture, au goût local pour les représentations colorées. Çà et là, dans quelques détails de moulures et sculptures, on pressent bien déjà quelque imitation d’antiquités gréco-romaines, mais timide encore, libre, maladroite, ne ressemblant en rien à cette contrefaçon passionnée et soumise, scolaire, servile, qui deviendra plus tard l’orgueil et la perte de la Renaissance classique.

En somme, dans chacun des deux sanctuaires, des émotions très diverses, mais aussi vives, intenses, inoubliables. En bas, d’abord, un saisissement de terreur sacrée, sous une menace d’écrasement, dans une demi-obscurité, froide et muette, comme si, de nouveau, l’ancienne montagne des supplices, la Collis Inferni, allait se rouvrir sous nos pas pour nous plonger aux géhennes souterraines ; puis, après ces quelques instans d’angoisses, un réveil de conscience vitale et de multiples espérances, sous les jaillissemens latéraux des lueurs éparses, et la retombée lointaine, au-dessus du maître-autel, d’une plus large lumière, où frémissent toutes sortes d’apparitions multicolores, angéliques ou humaines, graves ou souriantes, saints et saintes, se pressant le long des parois peintes, s’élevant sous les courbures des voûtes. En haut, au contraire, après l’ascension par les escaliers extérieurs des terrasses ou la vis intérieure des tourelles, dans la belle nef inondée de clarté, comme nos Saintes-Chapelles, c’est, tout à coup, sous l’élan joyeux des frôles colonnettes et des voûtes légères, une délicieuse, une indicible exaltation de paix rafraîchissante, de tranquille extase, d’aspirations sereines. Et là, ce double sentiment de ferme retour à la vie présente et de confiance infinie dans la vie future se trouve singulièrement fortifié par la virilité active des acteurs réels de l’épopée franciscaine, tels que les a évoqués Giotto, à hauteur de l’œil, et