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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/910

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décompression instantanée et, à elle seule, mortelle, suivie d’une cataracte. Avant d’avoir pu lutter, les survivans ont succombé. La mer n’a plus noyé que des cadavres : tel est le résultat des constatations médicales ultérieures. Seul un quartier-maître enfermé dans le kiosque, qui est relativement étanche, y survécut sans doute quelques heures, jusqu’à épuisement de l’air respirable contenu dans cet étroit espace.

On sait le reste. Le 3 juin seulement, le sous-marin, décollé du fond, s’acheminait, suspendu sous deux chalands, vers le port. Une première étape ce jour-là, deux autres le lendemain, le ramenaient sur un fond de 5m, 50. Mais le 5, le calme, qui avait jusqu’alors favorisé l’opération, prenait fin. La houle, à mer basse, jetait sur le kiosque immergé l’un des chalands porteurs, qui coulait aussitôt. Des chaînes cassées ou embrouillées retardaient encore, malgré le beau temps revenu, la reprise des travaux. Au moment où l’on perdait espoir, une manœuvre impeccable, dans la nuit du 11, menait enfin au port le funèbre convoi. Echoué dans cet abri, mais recouvert à chaque marée, le malheureux Pluviôse n’avait pas encore rendu ses victimes. Si les premières sont sorties le 11 au soir, les dernières ont attendu le 21, vingt-cinq jours après le naufrage.

Chacun fut trouvé, à son poste. Il y a longtemps que nos équipages de sous-marins ont fait à la mort sa part ; ils savent la regarder en face. Et leurs camarades reprennent, sans hésiter, leurs plongées avec le même entrain, dans le même ordre silencieux qu’auparavant. À ces leçons d’héroïsme, la noble fin du Pluviôse en ajoute d’autres : celles des sauveteurs. Le relevage, la rentrée du bateau furent des tours de force ; mais le dévouement des hommes qui, trois semaines durant, s’y sont employés commande l’admiration.


II

Contre des accidens aussi douloureux s’est-on prémuni ? Assez mal encore. Les progrès réalisés depuis les premières et cruelles expériences de 1904 et 1905, se réduisent à peu de chose. Chez nous, il est vrai, une précaution avait d’avance été prise qui nous met à l’abri des périls auxquels nos voisins ont succombé le plus souvent : je veux parler des explosions de gazoline. Les moteurs à essence facilitent la solution du