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Il faut que la vitesse de chasse l’emporte assez sur la vitesse d’envahissement pour que le navire atteigne la surface. Là, quelques minutes de répit lui sont probablement assurées : deux ou trois sans doute au minimum. Car les ballasts se vident plus vite, l’eau rentre par les blessures à jets moins violens qu’en immersion profonde. Les pompes peuvent faire leur office ; les cloisons résistent aisément ; l’émersion de l’extrémité la plus haute va tendre à rétablir l’équilibre horizontal. Enfin, si des gaz asphyxians se sont répandus dans l’intérieur, peut-être aura-t-on chance d’ouvrir à l’air du ciel un capot sauveur.

Mais si les compartimens atteints sont vastes, si la voie d’eau surpasse le débit des pompes, si la machine s’arrête, s’il n’existe pas de moyen de lutter encore, à l’aide d’une réserve d’air comprimé, si les cloisons s’infiltrent, ces quelques minutes de grâce n’auront pas sauvé le sous-marin. Bientôt il va s’incliner davantage. La pointe émergera vers le zénith, puis descendra verticalement ; et tout d’un coup la chute irréparable emportera vers l’abîme le léviathan vaincu.

Dès lors, ne pourrait-on, ne devrait-on pas tenter de faire sortir l’équipage dans le court intervalle de cette apparition en surface ? Bien souvent, le plus souvent peut-être, un sous-marin touché, obligé d’abandonner un compartiment à la mer, sera condamné sans merci. L’un des moyens de défense, tous indispensables, tôt ou tard, avant qu’il ait réussi à rentrer au port, lui manquera ; et brusquement ce sera la catastrophe emportant hommes et choses. Ne faudrait-il pas poser en principe l’abandon du bâtiment ? Principe si contraire à la règle traditionnelle que marins et commandans vont se récrier. Quoi ! renoncer à la lutte au moment d’un premier succès, quand l’espoir de ramener le bateau « corps et biens » semble permis, faire perdre délibérément une unité à la marine avec tout son matériel peut-être sans nécessité véritable ! Cependant il n’est sans doute pas d’autre méthode pour sauver tout ou partie de l’équipage. Laissons au commandant le soin d’apprécier s’il faut en donner l’ordre, et songeons du moins à réunir, le cas échéant, les conditions qui faciliteraient la sortie.

C’est une étude qu’on ne saurait entreprendre ici. Ou bien le sous-marin émerge assez pour qu’on puisse ouvrir à l’air le capot du kiosque central, et c’est par-là qu’on s’en ira ; ou bien une extrémité seulement affleure, et il serait bon d’y trouver