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kilomètres qu’il faut se maintenir. Le terrain qu’on a à examiner est donc à une grande distance de l’observateur aérien, et malgré la faculté de s’élever à 800 et 1 000 mètres, on ne domine pas encore suffisamment la zone occupée par l’ennemi. Les renseignemens fournis par le ballon captif sont donc moins complets qu’il y a cent ans, car si l’on peut s’élever deux fois plus haut, il faut se tenir dix fois plus loin de l’adversaire.

Comme engin de reconnaissance, le ballon captif n’est donc aujourd’hui qu’un procédé précaire et insuffisant.


II

Il en est tout autrement du navire aérien dirigeable. Qu’il soit plus lourd ou plus léger que l’air, l’aéronef peut en effet se transporter au-dessus de la zone occupée par l’ennemi, y séjourner tout le temps qu’il le juge nécessaire, et rapporter au général en chef toute une moisson de renseignemens, de photographies, de croquis, d’un prix inappréciable. On comprend l’avantage énorme qu’un général habile peut tirer d’une semblable source d’informations. S’il est seul pourvu d’une flotte aérienne, la lutte est assimilable, suivant une comparaison bien souvent répétée, à une partie d’échecs dans laquelle un des deux joueurs aurait seul la permission de voir l’échiquier dont la vue serait dérobée à son adversaire ; l’issue d’une semblable partie ne serait pas douteuse.

Aussi, depuis longtemps, les militaires ont-ils appelé de leurs vœux la réalisation de la navigation aérienne par le plus léger ou par le plus lourd que l’air ; mais, pendant longtemps, ce desideratum était considéré comme un rêve chimérique.

C’est dans l’armée française que se sont rencontrés tout d’abord les hommes de foi qui, malgré les probabilités contraires, ont poursuivi la réalisation de cette prétendue utopie. Dès 1872, le lieutenant Charles Renard avait attiré l’attention de ses chefs par des études remarquables sur la navigation aérienne. En 1875, une commission spéciale présidée par le colonel Laussedat fut créée au ministère de la Guerre pour étudier la question sous toutes ses faces. Charles Renard, récemment nommé capitaine, fut désigné comme secrétaire. Seul de ses collègues il apportait des idées précises sur la question, et, dès la première séance, il parla de ballons dirigeables comme