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de l’individuel et du contingent que celles qu’institue la pure logique. C’est précisément ce genre de rapports que, depuis les Platon et les Aristote, ont cherché à définir les métaphysiciens. La raison, objet et instrument de leur étude, est la puissance qui, au-dessus des rapports physiques ou logiques, pose des rapports d’intelligibilité concrète, reliant entre eux, non plus des faits ou des concepts, mais des êtres.

Au nom de la raison, il est permis de chercher, entre la morale et la religion, non seulement un rapport empirique de coexistence ou de séparation, ou bien encore un rapport logique d’identité ou de contradiction, mais un rapport métaphysique de solidarité et de libre accord, subsistant à travers les différences qui les distinguent. La vie n’est pas l’abolition des différences, elle est l’organisation du divers en vue d’une action commune. La puissance de la raison se mesure à la multiplicité et à la diversité des élémens positifs et dignes de subsister qu’elle sait fondre en une riche et vivante unité.


La question des rapports de la morale et de la religion peut être traitée à de nombreux points de vue. Mais peut-être la préoccupation principale de notre temps est-elle de savoir si la morale peut et doit être considérée comme totalement indépendante de la religion, et comme suffisant, par elle-même, à diriger la vie humaine. Nous nous bornerons à chercher quelques lumières sur ce point capital. Et il nous semble que nous aurons chance de réussir, si nous nous interrogeons sur les conditions : 1° de la détermination ; 2° de l’efficacité ; 3° du progrès, de la législation morale.


II

Il faut reconnaître qu’il est parfaitement possible, en fait, de déterminer les règles de la morale sans énoncer aucun principe métaphysique ou religieux. Il suffit de procéder en morale comme on procède dans, les sciences positives, c’est-à-dire de se bornera observer, et recueillir des faits, et à les classer suivant leurs ressemblances et leurs différences. On pourra ainsi, de la multiplicité et de la diversité, s’élever à l’unité, démêler des principes propres à systématiser les phénomènes, et constituer la morale comme une science analogue à la