plupart de nos lycéens. C’est précisément ce style que les professeurs des facultés retrouvent et reconnaissent dans les dissertations de baccalauréat et de licence.
Voilà les raisons de la crise du français, dans laquelle on reconnaîtra sans doute que la Sorbonne n’a aucune part de responsabilité. Cette crise a des causes générales, nationales, qui dépassent de beaucoup le cercle dans lequel se meuvent les facultés des lettres. La crise du français, c’est la crise du livre ; qu’on ne lit presque plus depuis qu’on ne lit guère que des journaux et des magazines. Ne voyez-vous point que les auteurs classiques des quatre siècles, publiés en extraits, pages choisies, résumés, à raison de 75 centimes l’exemplaire, sont le signe même qu’on ne lit plus les auteurs classiques des quatre siècles ? De ces publications je ne veux, certes, dire aucun mal, puisqu’elles sont le remède du mal en même temps qu’elles en sont le signe. Mais encore je suis bien forcé d’avouer quelles en sont le signe beaucoup plus qu’elles n’en sont le remède.
Non, on ne lit plus les auteurs qui ont écrit en français ; on ne les lit plus, parce que la curiosité esthétique qui porterait à les lire est combattue par un trop grand nombre d’autres curiosités : curiosité des faits-divers, curiosité des faits piquans ou mystérieux de l’histoire, curiosité des voyages et explorations, curiosité des merveilleux progrès scientifiques et des merveilleuses inventions et découvertes de la science. Ces curiosités, autrefois, existaient à peine ; elles sont excitées de nos jours d’une manière incroyable-par la façon dont nous vivons, par la façon dont le monde va. Qu’y a-t-il à faire à cela ? Très évidemment rien. Vous n’allez pas interrompre le cours de la civilisation pour ramener les hommes à l’étude de la langue française. Vous ne pourriez pas, et du reste, vous auriez tort.
Donc, la crise du français n’est pas une crise, c’est une décadence ; c’est une décadence définitive et sans retour, compensée par des progrès qui ont lieu dans un autre ordre de choses. On n’écrira plus le français, voilà tout. Il ne sera plus écrit que par un certain nombre d’hommes très restreint, qui en auront le goût par un phénomène d’atavisme et qui seront tympanisés par les petits journaux, comme grotesques. Il y aura deux langues : l’une, le français, écrit par quelques personnes et compris par ces personnes-ci et quelques autres, peu nombreuses ; l’autre, une langue pour laquelle on trouvera un nom, très imprécise, très