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villes, les grands seigneurs, les particuliers se saignaient pour envoyer des subsides à Londres. Dix chevaliers et bourgeois du Languedoc, appartenant aux sénéchaussées de Beaucaire, de Toulouse et de Carcassonne, aux villes de Béziers et de Narbonne, se transportèrent en Angleterre, malgré les périls et les difficultés du voyage, afin d’offrir au souverain les corps, biens et familles des habitans et lui remirent, comme gage de leur fidélité, une somme considérable en argent. Le cardinal de Tulle, les villes d’Amiens et de Laon, un receveur de Nîmes, un bourgeois de Troyes se distinguent aussi parmi les plus généreux. Le Duc d’Aumale insiste avec intention sur ces détails qu’on ne connaissait pas avant lui, qu’il tire de ses manuscrits et qui lui servent à caractériser un règne et une époque.


V

Parmi les livres précieux achetés pour le compte du prince dans les ventes de Paris se trouvait un exemplaire des Commentaires de César annoté par Montaigne. Les enchères ont été chaudes, beaucoup d’amateurs se disputaient le volume, le représentant du Duc d’Aumale l’a emporté à la grande joie des assistans, satisfaits qu’un si curieux ouvrage restât entre des mains françaises. Quatre cents notes de la main de Montaigne, quelle aubaine pour un bibliophile ! L’imagination de Cuvillier-Fleury s’enflamme à cette idée ; il voit déjà son élève se servant de cet exemplaire unique pour publier une nouvelle édition des Commentaires de César et y ajoutant ses observations personnelles à celles du grand moraliste. Un instant, le prince est tenté. Il connaît bien son César, il l’a lu tout haut presque entier, il a même annoté le commentaire assez médiocre de Turpin de Crissé. Puis il recule devant la longueur et la difficulté du travail. Il restera du moins de ce commerce avec le vainqueur des Gaulois une étude historique inspirée par un sentiment patriotique.

De l’œuvre immense de César, le Duc d’Aumale détache un fragment de notre histoire nationale, la septième campagne de Gaule au cours de laquelle les Gaulois, nos ancêtres, essaient par un effort désespéré de secouer le joug de la domination romaine. Sur l’emplacement même de ce dernier champ de bataille, le monde savant se partage entre deux hypothèses. Les