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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/406

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particulier, si ce n’est l’odeur hépatique qui s’en dégage pendant la dissolution par le sel marin. » D’où les commissaires concluent que la pierre en question n’est point tombée du ciel, et qu’elle n’a point été formée par des matières minérales mises en fusion par le feu du tonnerre. « L’opinion qui nous parait la plus probable, disent-ils, celle qui cadre le mieux avec les principes reçus en physique, avec les faits rapportés par M. l’abbé Bachelay et avec nos propres expériences, c’est que cette pierre qui, peut-être, était couverte d’une petite couche de gazon, aura été frappée par la foudre, et qu’elle aura ainsi été mise en évidence. »

La Commission ne faisait donc rien du témoignage des « particuliers qui travaillaient à la récolte. » Elle élimine arbitrairement tout ce qui contredit son hypothèse. Elle ne tient aucun compte du « corps opaque décrivant une courbe. » Si elle ne supprime pas le coup de tonnerre, c’est que le tonnerre était admis en physique.

Malgré l’interdiction de l’Académie, les pierres continuèrent à tomber du ciel, et ce fut un académicien, Biot, qui, en avril 1803, à propos d’une chute qui eut lieu aux environs de la ville de Laigle, dans l’Orne, proclama la réalité du phénomène. Il avait méthodiquement procédé à une longue enquête sur les lieux, entendu un grand nombre de témoins, et recueilli toutes les pierres qu’il put se faire remettre, et qui sont maintenant au Muséum d’histoire naturelle.

Il se trouverait encore aujourd’hui, probablement, des savans qui commettraient la méprise de Lavoisier. La cruelle leçon infligée par la réalité à la prétention de juger les faits à un point de vue abstrait, n’a pas porté les fruits de prudence qu’on pouvait espérer. Et c’est ainsi, pour citer un exemple entre mille, — nous le choisissons parce qu’il entre exactement dans notre sujet, — que des gens de science confondent encore actuellement les météorites avec les étoiles filantes, tout comme on les confondait au XVIIIe siècle avec le tonnerre. Cette fois encore, on juge sur l’apparence. Jadis on identifiait la détonation des bolides avec les éclats de la foudre ; maintenant, on rapproche la boule de feu, dont on oublie le fracas, avec le globe silencieux qui nous apporte périodiquement le résultat de la désagrégation spontanée des comètes.