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musique du gouvernement général ; les amateurs hovas sont en majorité dans la Société philharmonique, et les tziganes des cafés sont tous nés sur les bords de l’Ikopa. Les journaux de marche des régimens indigènes relatent de beaux faits d’armes, et les mondaines et demi-mondaines d’origine Andryana savent combiner un heureux mélange du costume national et des ajustemens européens qui les rend agréables à contempler. Tout cela démontre une perfectibilité réelle, mais nous n’avons pas encore su la développer à notre profit.

Comme tous les peuples jeunes, les Hovas n’ont été tout d’abord séduits que par les aspects extérieurs et brillans de notre civilisation. Ils n’ont trouvé, dans les bourses d’études en France ou dans les cours des écoles spéciales organisées pour eux après la conquête, que les moyens d’acquérir des situations de tout repos leur donnant le maximum de considération et de bien-être avec le minimum d’efforts. On les a vus revenir de la métropole avec des diplômes de médecin que les jurys d’examen, s’inspirant de l’esprit des Lettres persanes, leur décernaient avec une courtoise indulgence. Aucun de ces jeunes gens n’a jugé dignes de lui les titres d’ancien élève d’une Ecole des Arts et Métiers, d’ouvrier ou de contremaître diplômé dans les spécialités qu’on pourrait créer à Madagascar. A Tananarive, dans l’Ecole professionnelle, ils ont encombré les sections d’horlogerie et de bijouterie dont les occupations sédentaires et les bénéfices plus ou moins licites convenaient à leur caractère d’hommes « nés fatigués. » Du Jardin d’essai de Nanisana, véritable école d’agriculture, ils ne sortent que pour postuler des places de jardiniers officiels au service des résidences ou du gouvernement général. En présence de ces résultats, les bourses d’études en France ont été supprimées, l’Ecole professionnelle a été fermée. Seule, l’Ecole de médecine est conservée, mais elle ne forme guère que des infirmiers médiocres et non des médecins.

Un peu moins de précipitation eût été préférable. La mentalité d’une race ne se modifie pas en quelques années. Si les anciens élèves des Norvégiens, de la London Missionary Society, des Jésuites ou des Frères n’estiment dans une instruction primaire péniblement acquise que le moyen d’entrer dans la carrière administrative pour acquérir une parcelle de la puissance gouvernementale, s’ils méprisent le travail manuel et les occupations utilitaires de l’homme d’action, nous ne devrions pas