situation commerciale de Madagascar, si nous l’examinons sur place et non dans les rapports officiels toujours optimistes, paraît en effet assez médiocre. Les bateaux français subventionnés visitent presque seuls nos ports ; un navire de Hambourg fait tous les trois mois le tour de l’île pour ravitailler les comptoirs allemands ; quelques cargos anglais se montrent parfois dans les rades malgaches. Le matériel pour la construction du chemin de fer, pour le point d’appui de la flotte et le camp retranché, pour l’usine des eaux et d’électricité de Tananarive ne grossira que provisoirement le chiffre des importations ; l’alimentation, l’entretien et l’armement du corps d’occupation représentent une part importante du transit indiqué par les statistiques, mais ne doivent pas être comptés dans l’évaluation des affaires de notre colonie. Réduit à sa réelle valeur, le mouvement commercial n’est pas en rapport avec l’étendue de l’île et le nombre de ses habitans.
Il ne saurait en être autrement. Madagascar n’est pas heureusement placé pour le trafic de ses ressources naturelles. Les contrées qui l’avoisinent ont les mêmes productions et les mêmes besoins. La Réunion, Maurice, les Seychelles, la côte orientale d’Afrique récoltent sur leur sol tout ce que la zone maritime de l’île pourrait leur envoyer : la vanille, le coton, les bois, les bambous, le caoutchouc, le rafia, les plantes à parfums, le café, le sucre y sont en assez grande profusion pour y causer une dépression des affaires dont les représentans de la Réunion au Parlement français se plaignent avec insistance. L’exportation malgache de ces denrées sur les marchés d’Europe et d’Amérique devra lutter contre des courans commerciaux déjà établis, et enlever une clientèle à des concurrens qui feront de nombreux sacrifices pour la conserver. La région des hauts plateaux n’est pas mieux favorisée. Son débouché naturel pourrait être l’Afrique méridionale, mais les conditions économiques et le climat y sont analogues. Cependant, après la guerre anglo-boer, quand tout était à refaire dans certains districts du Cap, de l’Orange, du Transvaal, de la Rhodesia même, une occasion unique se présentait. Malheureusement, la colonisation française n’a pas eu les moyens d’en profiter. Elle était trop récente, trop timide et trop inexpérimentée. Quand on a voulu attirer dans l’île une partie des sommes énormes que l’Angleterre employait à rétablir la prospérité de ses possessions, il était trop tard.