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comparaison toute profane, la première communion est considérée, dans nos campagnes et dans les populations ouvrières, comme une sorte de certificat d’études religieuses qui libère l’enfant de tout effort ultérieur. Aujourd’hui qu’elle a lieu à dix ou douze ans, l’instruction religieuse est un bagage bien léger, qui s’allège encore davantage, sous les atteintes de l’oubli, à mesure qu’on avance dans la vie. Qu’arrivera-t-il lorsque la première communion aura lieu à sept ans ? La réponse viendra à tous les esprits, à toutes les consciences, sinon sur toutes les lèvres, car beaucoup la retiendront. Quand le Pape a ordonné, on doit se taire et obéir.

Nous n’en attachons que plus d’intérêt à l’opinion qu’a émise, dans l’émotion du premier moment, M. le chanoine Désers, curé de Saint-Vincent-de-Paul à Paris : il en a été blâmé par l’autorité épiscopale, et sans doute aucun autre prêtre n’élèvera la voix. On a attribué au cardinal Ferrata, qui a été nonce à Paris et qui devrait nous connaître, l’opinion « qu’il est aussi facile de préparer à la première communion des enfans de sept ans que des enfans plus âgés, et qu’il n’est pas plus difficile, d’apprendre à des enfans de sept ans à distinguer le pain eucharistique du pain ordinaire. » M. le curé Désers répond : « Si ces paroles reproduisent fidèlement la pensée du cardinal, elles dénotent une inexpérience de l’apostolat des enfans trop évidente pour être discutée. Il n’y a pas un catéchiste expérimenté, il n’y a pas de parens judicieux pour oser signer cette proposition. » Parlant de la masse des enfans du peuple, M. le chanoine Désers ajoute : « Cette masse immense ne sera pas atteinte, ou du moins elle ne sera pas pénétrée. A sept ans, on ne pourra pas apprendre le nécessaire à ces enfans. Ils n’arriveront pas à saisir la distinction du pain eucharistique et du pain ordinaire, ou, du moins pour la plupart, cette distinction leur apparaîtra comme celle qui existe entre un pain qui est très blanc et tout petit et un autre pain qui est moins blanc et plus gros. Et après, cette masse, ayant fait une première communion hâtive avec des impressions très superficielles, nous échappera ; nous n’en reverrons que quelques unités… Voilà le côté douloureux de la nouvelle législation… Dans nos catéchismes, nous nous efforçons de donner un fondement solide à la vie chrétienne de nos cathéchisés. Maintenant nous ne le pourrons plus. C’est là ce qui nous angoisse. Après tant d’efforts, rendus plus difficiles par l’impiété ambiante, ce sera une régression fatale. Et quand le cardinal prétend que seul l’esprit du mal pourra se plaindre de la nouvelle législation, nous l’assurons, au contraire, que l’esprit du mal se