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VIII

Dans la Commission nommée dès le 16 janvier, et qui allait constituer à sa façon l’Eglise catholique prussienne, il y avait, sur vingt et un membres, dix-huit protestans. Reichensperger, Mallinckrodt et Bruel, un luthérien du Hanovre, représentaient le Centre. Falk se dispensait d’y parler, même d’y paraître ; trois commissaires le représentaient, tous trois protestans, et n’aspiraient qu’à se taire ; ils redoutaient les questions dont les houspillait Mallinckrodt, car l’effort qu’il faisait pour démasquer leurs arrière-pensées révélait leur prodigieuse incompétence. On siégeait tous les soirs, même le dimanche. Le juriste Gneist faisait une grande partie du travail ; le rapport général fut son œuvre.

Le sort de la Constitution fut vite décidé. En vain, Pierre Reichensperger rappela-t-il qu’elle était l’expression, non d’une majorité de hasard, mais des revendications de tout le pays, et qu’il fallait saluer en elle l’heureux résultat des tristes expériences de guerre religieuse faites sous Frédéric-Guillaume III. Falk, toujours géomètre, répliquait : « Le facteur Etat, qui a mis l’Eglise en mesure de régler librement ses propres affaires, doit, à l’heure de la lutte, avoir aussi le droit de déterminer quelles sont les propres affaires de l’Eglise et quelle est la démarcation. »

Dès le 31 janvier, à la seconde Chambre, deux majorités de 145 et 141 voix donnèrent à l’édifice constitutionnel les deux premiers coups de sape. Windthorst avait inutilement poussé un dernier cri d’alarme. « Cette base à laquelle vous touchez, disait-il, est la seule sur laquelle nous puissions nous tendre les moins. La supprimer, c’est inaugurer un combat dont je ne puis envisager la fin. » Ainsi parlait-il pour les hommes d’Etat, auxquels la perspective d’une Prusse à jamais divisée pouvait malaisément agréer. Et puis, se retournant vers les doctrinaires, vers ceux qui, plus soucieux de leur philosophie que de leur pays, bornaient leurs souhaits à escompter et à préparer la défaite, prochaine ou lointaine, de toutes les Eglises et de toutes les révélations, Windthorst leur criait : « L’État n’a pas de promesses, l’Eglise en a, et le combat est gagné par celui qui vit le plus longtemps. Oui, celui qui vit le plus longtemps, et cela même est consolant, parce que ceux qui semblent éprouver quelque attrait spécial à conduire cette lutte sont mortels, et après eux une autre