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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/586

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sur cette proposition qu’au bout de quatre jours ; mais on l’accepta tout de suite, au mépris des usages ; et l’impuissante commission fut dissoute. Il n’y avait plus à discuter : Tauffkirchen, qui, arrivant de Berlin, voyait à Munich Lefebvre de Béhaine, lui disait que le chancelier n’admettait plus la moindre objection.

Lorsque, le 24 avril, Bismarck parla devant la Chambre des Seigneurs pour les projets eux-mêmes, il parada plus qu’il ne lutta. Il refit brièvement le procès du Centre, et longuement celui des conservateurs. Gruner, ancien secrétaire d’État, avait fait acte d’opposition. « Il est pénible, lui riposta Bismarck, de voir que dans ce combat les porteurs de certains noms, dont les pères ont contribué d’une manière glorieuse à la solide fondation de notre État, ne soient pas du côté où j’aurais cru les trouver, du côté de l’État prussien, que nous défendons contre ceux qui le menacent et le minent. » Kleist Retzow, l’oncle du chancelier, accusa Bismarck de s’être détaché des conservateurs. « Je suis resté uni, répliqua le neveu, avec le grand parti conservateur, mais une fraction s’est détachée de ce parti. Je suis heureux de ne point partager avec M. de Kleist Retzow la responsabilité qui lui incombe. Le mot « détaché » caractérise M. de Kleist Retzow lui-même : le plus petit se détache du plus grand, la partie mobile se détache de la base, un coquillage se détache du navire. » Bismarck, c’était le navire ; Bismarck, c’était l’État. Insolemment, il réduisait au rang d’épaves ceux qui s’écartaient de son sillage. Il développait, à leur adresse, une théorie d’absolutisme politique, qui avait quelque chose d’accablant. On tend à détruire l’État, proclamait-il, lorsqu’on exagère la justesse de ses vues personnelles : on tend à le détruire, lorsqu’on est incapable de se subordonner, et lorsqu’on profite d’une surabondance de loisirs pour méditer sur ce que fait le gouvernement et sur les critiques qu’on peut lui adresser, au lieu de concourir à la défense de l’État. Ainsi Bismarck, avocat impérieux d’une politique religieuse qui plaisait aux nationaux-libéraux, développait-il, en pleine forteresse du conservatisme, et à l’encontre des conservateurs, certaines doctrines d’obéissance politique, que les nationaux-libéraux, dix ans auparavant, auraient plutôt sifflées qu’applaudies. Il faisait mine, par ailleurs, de vouloir rassurer les consciences en affirmant que les projets de loi ne visaient pas l’Église, mais les courans souterrains qui aspiraient à la domination cléricale temporelle.