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Londres et de Paris, toutes les discussions se passent derrière le huis-clos de ces commissions fermées à la presse bourgeoise. La publicité des congrès se trouve ainsi maintenue et atténuée.

Dans cette Babel, trois langues seulement sont admises, l’allemand, le français, l’anglais. Chaque discours doit être traduit en ces trois langues. Les Allemands étalent leur supériorité en donnant la prépondérance à leur idiome national. Les traductions françaises, lorsqu’elles sont faites par des étrangers, sont tronquées, les mots sabotés, jusque dans les résolutions imprimées : sub-amendement, arbitration. Quant aux Anglais, l’éloquence les assomme, ils demandent qu’on leur résume la discussion en quelques mots, ou bien ils interrompent le traducteur, en disant que leur opinion est faite. Il arrive que les orateurs qui parlent plusieurs langues donnent des traductions volontairement tronquées.

Transportons-nous, avec le secours des journaux socialistes et des correspondances bien informées, dans les différentes commissions.

Quels doivent être les rapports entre les sociétés coopératives et le parti socialiste ? C’est là une question académique, inscrite au programme de Copenhague par les Français et qui n’intéresse qu’eux. Quand M. Guesde pense d’une manière, c’est une raison pour que M. Jaurès et M. Vaillant soient d’un avis contraire, et réciproquement. M. Guesde estime que, dans la société capitaliste, on ne peut faire que du capitalisme. Or le capitalisme, c’est la concurrence et c’est la guerre. Il est vain de chercher à y instituer dès à présent une vraie coopération, une paix réelle. Les coopératives ne sont que des sociétés anonymes par actions ouvrières. Elles s’approvisionnent chez les capitalistes, elles emploient des salariés. Elles ne peuvent se laver de la souillure capitaliste qu’en fournissant régulièrement des subsides aux œuvres socialistes. M. Guesde voudrait ainsi transformer les sociétés coopératives en machines à cotiser, en vaches à lait du parti. M. Jaurès, à l’opposé, se déclare partisan déterminé de leur autonomie pleine et entière. Selon lui, si les coopératives ne peuvent être considérées comme une institution socialiste, elles servent du moins d’écoles préparatoires au socialisme. Elles arrachent l’individu à son égoïsme naturel, elles l’habituent à une initiative concertée, elles suppriment les intermédiaires. Il suffit qu’elles se développent le plus possible, en