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analogue, on laisse à la ville son ancien caractère et son ancienne importance… Et les vœux des Colmariens sont exaucés : le tribunal d’appel, fondé par la Révolution dans la réorganisation des tribunaux, siégera à Colmar. Tout le XIXe siècle, ils le passeront à veiller jalousement sur ce tribunal dont ils sont si tiers et dont les membres continuent les nobles traditions du Conseil souverain. Une première alerte se produit, quand, à côté des départemens du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, est créé le département du Mont-Terrible. Il est question de fixer le tribunal d’appel à Nancy, à Besançon, ou à Strasbourg ; inquiets, indignés, les habitans signent des pétitions, adressent des mémoires : Nancy et Besançon sont impropres topo graphiquement et à tous égards ; Strasbourg a bien assez d’autres ressources ; il n’y a que ce tribunal qui puisse garantir la population de Colmar : le supprimer serait ruiner la ville. Colmar respire : son tribunal d’appel lui reste, qui est, à partir de 1804, Cour d’appel, puis, suivant les temps, Cour impériale et Cour royale. Mais survient la guerre de 1870, l’invasion, l’annexion. Le Conseil municipal pense aussitôt à la Cour d’appel : quel sort lui est réservé dans la terre d’Empire ? Ne va-t-on pas préférer Strasbourg ? Et il rédige une adresse où il réclame du gouvernement allemand le maintien de la Cour à Colmar, invoquant comme titre sa longue possession et que pendant deux siècles les mœurs, les habitudes, les intérêts, tout s’y est développé sous l’influence de ce fait prépondérant : Colmar est une ville de judicature, une ville parlementaire ; elle a ses traditions locales ; son atmosphère morale, essentiellement judiciaire, y a favorisé dans le calme la culture des lettres et le goût de l’étude. Strasbourg, ville administrative, ville militaire, a toutes les raisons de prospérité ; Colmar n’a que la Cour d’appel. Peut-être découvrirait-on dans cet amour si ardent pour une institution avec laquelle la ville se confond la meilleure des raisons qui expliquent que certains conseillers acceptèrent de servir le vainqueur : avant tout conseillers de Colmar, ils estimaient qu’ils devaient suivre, en victimes fidèles, les fortunes diverses de la Cour et, subissant la loi du conquérant, assurer aussi longtemps que possible au tribunal son ancien caractère indigène. L’empereur Guillaume Ier, par ordonnance du 14 juillet 1871, consent. Mais en 1877, nouvelles alarmes : à Berlin, on a beaucoup insisté auprès de l’Empereur pour qu’il transférât à Strasbourg la Cour d’appel,