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mouvement gréviste ? La police confisque les permis et expulse les titulaires. Persistent-ils à travailler ? Leurs camarades grévistes les molestent jusqu’à ce qu’ils aient déserté l’atelier ou le chantier, et ils retombent dans le premier cas.

L’administration française, il faut le dire à sa louange, exige une visite médicale, avec la seule préoccupation de la santé publique, et l’événement lui a donné raison. Depuis l’adoption de cette mesure, la variole, ce fléau si redoutable des ruelles arabes et des sordides impasses de la ville haute, n’apparaît plus que sous forme sporadique.

M. Guglielmo Ferrero a émis l’opinion suivante sur les immigrans italiens de l’Amérique latine : « Sous plus d’un rapport, ils représentent un des élémens les plus solides de ces pays, et, sans aucun doute, ils y ont un grand avenir. Mais que sera cet avenir sous le rapport de leurs relations avec l’antique patrie ? C’est difficile à prévoir. Ces Italiens ont toujours l’Italie au fond du cœur ; mais, ce sentiment, ou au moins le sens de l’italianisme, s’atténue beaucoup dans les générations nouvelles. Il serait trop long d’en rechercher la raison. On peut considérer ce phénomène comme une nécessité historique du développement de ces pays. Les divers élémens constitutifs de ces populations sentent qu’ils doivent s’unir. Résister à cet esprit d’unification serait difficile, et je ne sais jusqu’à quel point ce serait utile. La tendance des pays neufs à former de nouveaux peuples est universelle et de tous les temps. »

L’éminent historien de Rome parle du nouveau monde et d’un pays neuf. En Tunisie, les faits sont moins tranchés. La classe bourgeoise immigrante, ardemment patriote, considère la Tunisie comme le prolongement de la Sicile. Est-il surprenant que ses membres souhaitent d’élever leurs enfans dans le culte de la mère patrie, puisque les plaines de la Régence, si riches en souvenirs, évoquent tant de leçons de choses ? De toutes parts, des ruines de temples, d’aqueducs, de théâtres, témoignent de la puissance du peuple-roi, et, dans le silence des nuits étoilées, les Italiens perçoivent les voix d’outre-tombe qui chantent la gloire de Rome…

Ces intellectuels conservent leur nationalité avec un soin jaloux et condensent leurs aspirations dans cette formule : « Notre premier devoir est d’être, de nous sentir et de rester Italiens. » Les plus enthousiastes ajoutent ce commentaire : « Quelles que