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le prix de 127 francs, ou celui de 714 francs pour 40 mètres près de Notre-Dame, on ne peut faire état de ces parcelles minuscules.

Au contraire, depuis 1760 jusqu’à la fin de la Monarchie, la population afflue, les terrains enchérissent. « Ce qu’on tirait de pierres de taille était prodigieux, remarque en 1767 un contemporain, ainsi que le nombre des maçons employés, ce qui gênait dans bien des rues. » On bâtit de tous côtés, écrit un autre sous Louis XVI ; « les entrepreneurs font aujourd’hui fortune ; des corps de logis immenses sortent de terre comme par enchantement et des quartiers nouveaux ne sont composés que d’hôtels de la plus grande magnificence. »

Quand le loyer seul de ces hôtels nous est connu, comme ceux du baron de Talleyrand, rue de l’Université (20 000 fr.), du comte de Bissy ou de la comtesse de Gramont, rue de Lille (14 000 fr.), mais que nous ignorons leur superficie, il est impossible de discerner l’influence de la hausse du terrain sur les prix de location ; mais lorsque de vastes immeubles de 800, 1 600, voire de 5 000 mètres de surface, se vendent à la fin de l’ancien régime sur le pied de 150 et 250 francs le mètre, le long des « nouvelles promenades formées, dit aigrement Casanova vieilli, sur les faux remparts décorés du nom sonore de boulevards, il est clair que la plus-value du sol intervient partout ; aussi bien sur la place du Palais-Royal, où le mètre vaut alors 900 et 1 300 francs, — au lieu de 25 francs au XVIIe siècle, — que près de la Madeleine où 4 hectares montaient en huit ans de 150 000 francs, à 600 000 (1767-1775). Tels morceaux triplèrent de valeur en un an, dit Restif, « parce qu’ils furent mis en rue. »

De ce nombre fut la place de la Concorde : le financier Law, mort insolvable en 1729, bien que sa succession, liquidée seulement en 1776, ait laissé un excédent d’actif, possédait 19 200 mètres de terrain entre la chaussée des Tuileries, la rue Saint-Honoré et la rue Boissy-d’Anglas (autrefois rue de la Bonne-Morue). Ses créanciers s’estimèrent heureux de vendre au maréchal de Belle-Isle, sur le pied de 25 francs le mètre, ce lot dont le nouveau propriétaire céda le tiers environ à la Ville, pour une place projetée au bout du jardin des Tuileries et « destinée à recevoir la statue équestre de Sa Majesté. »

Ce fut sur cet emplacement que Gabriel édifia ses deux façades monumentales, chacune de 120 mètres de long. L’une