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arts, ce furent les collaborateurs mêmes et les élèves du maître, qui réagirent, peu à peu, sur lui pour diriger l’action de son génie dans un sens plus conforme à l’évolution générale des intelligences et des cœurs. Avant l’arrivée de Nicolas, on trouve déjà à Pise, Lucques, Pistoia, nombre de bas-reliefs, d’une inspiration simple, claire, expressive, assez proche du style courant en Provence, Lombardie, Bourgogne. Est-il téméraire de croire que les premiers collaborateurs ou élèves de l’Apulien, Fra Guglielmo, pisan, Arnolfo di Cambio, florentin, plus tard, son fils même, Giovanni, grandis et formés dans un milieu moins archaïsant, l’aient spontanément, insensiblement, amené à assouplir, simplifier, alléger sa propre manière, en même temps qu’à laisser leurs tempéramens et goûts personnels se manifester de plus en plus librement dans l’exécution des maquettes ou dessins qu’il leur pouvait fournir ? En fait, le retour décisif de l’art naturaliste à l’observation sincère de la vie présente n’est effectué que dans les bas-reliefs de l’Arca di san Domenico, à Bologne, représentant des épisodes de la vie du Saint (1267). D’après tous les documens, le maître d’œuvre, le chef d’atelier, fournisseur du plan, est bien Nicolas, devenu Nicola Pisano, mais le sculpteur est Fra Guglielmo, ce dominicain de Pise, déjà connu, avant 1260, par les bas-reliefs d’une châsse à Cagliari. Si l’ampleur lourde de quelques draperies, certaines têtes de comparses empruntées aux vieux sarcophages, çà et là, rappellent l’enseignement de Nicolas, tout le reste, clarté des groupemens, simplicité et justesse des attitudes, exactitude des costumes monastiques, naturelle ingénuité, sensibilité des gestes et des physionomies montrent une parenté singulière, par leurs qualités, discrètes et touchantes, avec les bas-reliefs de nos cathédrales (Cf. à Saint-Denis, Chartres, Paris, Amiens, etc.). L’évolution féconde dès lors est décidée. En attendant qu’ils trouvent, plus tard, des occasions de développer, en des monumens personnels, leur intelligence croissante de la vie, de l’expression et de la grâce, tous les élèves de Nicolas, dans leurs œuvres collectives (chaire de Sienne, 1266, fontaine de Pérouse, 1278) s’enhardissent librement à développer leur originalité. Par une savante et judicieuse analyse visuelle, à l’aide des pièces d’archives, M. Venturi s’est efforcé de restituer à chacun d’eux, Arnolfo, Giovanni, Lapo, sa part dans le travail de ces deux chefs-d’œuvre, et ses conclusions ont toutes apparences de