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peintre mystérieux mérite mieux qu’un souvenir, il mérite un peu de la gloire si abondante répartie au maître dont le nom est inséparable d’Assise et de saint François. »

Après ce premier travail, la décoration de l’édifice subit un arrêt plus ou moins long, sans doute à cause des débats constans, au sujet de l’art, entre les différens partis de la religion franciscaine. Lorsqu’elle fut reprise, ce fut d’abord, semble-t-il, dans l’église supérieure, laquelle, d’après M. Venturi, « était restée nue et froide » jusqu’au généralat de Fra Girolamo Mascio, d’Ascoli (1274-1279), un zelantissimo. Celui-ci, bientôt Pape, sous le nom de Nicolas IV, poursuivit, avec une activité passionnée, l’achèvement décoratif de la Basilique. Par ses soins, et dès sa promotion peut-être comme chef de l’ordre, une escouade d’artistes, venue de Rome, dressa ses échafaudages, sous la voûte et dans le transept de la claire église d’en haut. Les mosaïstes et peintres de Rome avaient été, au XIIe siècle, les premiers et vrais précurseurs de la Renaissance par leurs beaux travaux de restauration et décoration, sous les grands papes lettrés et militans (Basilique Saint-Clément, Sainte-Marie du Transtévère, etc.). Ils tenaient encore, à ce moment, le premier rang en Italie. Bien que des artistes byzantins fussent encore parfois appelés dans la Ville éternelle, et que leurs ouvrages, austères et grandioses, y fussent admirés et imités, néanmoins un art indigène, plus inégal dans sa technique, mais plus libre dans ses tendances, et surtout plus conforme aux traditions locales, pagano-chrétiennes, toujours vivantes dans les ruines de l’antiquité, s’y était utilement formé. Les Cosmati, notamment, jouèrent un rôle important dans cette évolution. C’est par l’activité infatigable de cette nombreuse famille que, durant plus d’un siècle, se multiplièrent, dans les églises de Rome et des régions voisines, ces monumens exemplaires, cloîtres, tombeaux, ambons, tabernacles, pavemens, candélabres, etc., où la sculpture, la mosaïque, la peinture s’associent, constamment, avec une variété de combinaisons décoratives dont le charme et l’élégance nous ravissent encore. C’est dans leurs ateliers que se forma le plus grand artiste romain de cette époque, Pietro Cavallini, longtemps regardé comme l’élève de Giotto, d’après les suppositions de Vasari, alors qu’il fut son aîné, son précurseur et probablement son maître. C’est encore sous leurs influences que se développèrent, soit en même temps que Cavallini, soit sous sa direction, les