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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/801

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Renaissance est resté à peu près intact, à Saint-Marc de Venise, par exemple, à l’Arena de Padoue, etc.

Dans cette énorme épopée évangélique, la part de Cimabue, d’après M. Venturi, serait très importante. D’abord, dans le transept, les deux grands Crucifiemens, occupant, face à face, tout le fond de chaque bras. Pouvait-on trop multiplier, sur le tombeau du Saint qui pleurait au seul souvenir de la Passion, les représentations du Calvaire ? Ces deux scènes capitales sont, d’ailleurs, dans un état déplorable. L’une, surtout, à droite, est si gâtée par l’humidité des murs que les couleurs en sont toutes décomposées. Les figures, jadis claires, ne s’enlèvent plus qu’en taches noires, flottantes et déchirées, comme des chiffons brûlés, sur les fonds incertains. On dirait d’un mauvais négatif de photographie. Et pourtant, et pourtant ! Pour peu qu’on tienne l’œil fixé sur ce cimetière, on y voit lentement sortir de leurs tombes une quantité de spectres agités, si expressifs dans leurs attitudes, si vrais dans leurs mouvemens, qu’on reste violemment ému devant l’action tragique à laquelle ils prennent part. Quelle ferveur dans le Saint François, prosterné au pied de la croix ! Quel désespoir, quelle explosion de tendresse et de remords, dans la Madeleine, debout, dressant ses bras tendus vers le supplicié ! Quelle dignité, quelle majesté de douleur contenue dans l’attitude accablée de la Vierge et des Saintes Femmes qui l’escortent ! Et dans les hauteurs du ciel, au-dessus des gibets, quelle tempête, quelle apothéose ! Tandis que le Christ, subissant la dernière épreuve de son humanité, s’affaisse, meurtri et brisé, sur le bois infâme, fermant les yeux, laissant tomber sa tête, voici que, de tous côtés, battant l’air à grands coups d’ailes, des anges descendent pour recueillir son sang et ses larmes. « La tragédie du Calvaire, dit M. Venturi, est renouvelée avec une énergie de fer. » Elle est, en effet, si bien renouvelée, que tous les artistes de l’avenir ne pourront presque rien y ajouter. Quand on voit qu’on peut retrouver la même vigueur, tout à côté, dans une dizaine de scènes empruntées à l’Apocalypse, aux Légendes de la Vierge et de saint Pierre sans compter les Anges et Prophètes rangés sous les arcades, on est stupéfait d’une telle fécondité et de tels progrès si rapidement accomplis.

Que resterait-il donc à Cavallini et à ses collaborateurs romains ? Une part énorme encore et plus qu’estimable. D’abord, dans la nef, entre les fenêtres, des épisodes de la Genèse, essais