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notables et lettrés, s’entretenant de l’affaire, avec surprise ou admiration. Pas d’autres figurans, que les seuls acteurs nécessaires à l’intelligence de l’action ; mais chacun d’eux étudié sur le vif, et, de pied en cap, puissamment expressif par l’attitude, le geste, la physionomie, le vêtement, et tous associés et concordant à l’unité générale de la représentation. C’est déjà la qualité maîtresse, dominante, fondamentale, qui restera toujours la marque supérieure de Giotto. Qu’il s’en tienne à deux, trois ou quatre figures, calmes et largement ou vivement plastiques, comme ici même et dans les scènes suivantes, ou qu’au contraire, de plus en plus hardi, il les assemble en groupes agités et compacts, sous le coup de quelque émotion douloureuse ou tragique, c’est le même esprit qui les anime. Suivant l’occasion et le sujet, il peut donner à leur corps plus de vigueur ou de souplesse, plus de tranquillité ou de mouvement ; il peut modifier aussi, suivant les cas, la façon de les présenter dans la lumière, soit par un modelé massif, saillant, sculptural, soit par des modelés moins accentués, plus souples et plus pittoresques. Quelles que soient les diversités de facture imputables aux divers traducteurs de ses compositions, et les déplorables altérations dues à de trop fréquentes et grossières restaurations, il reste facile de saisir, dans toutes les fresques suivantes, une progression incessante dans l’invention et dans la technique, la poursuite réfléchie et opiniâtre d’une plus grande perfection.

Dans la seconde scène, François donnant son manteau à un pauvre chevalier, d’autres intentions s’ajoutent aux premières. Le peintre nous avait dit tout à l’heure qu’il fallait situer l’action dans un milieu architectural, si elle avait une ville pour théâtre ; il nous dit maintenant que, si elle se passe à la campagne, il faut représenter la campagne ; il donne donc, sommairement encore, mais avec une vue nette de la réalité, quelqu’un de ces rochers abrupts et secs, clairsemés d’oliviers chétifs et couronnés de châteaux ou de chapelles, si communs dans la région. Le jeune François imberbe, coiffé d’un serre-tête, est plus simplement noble encore, et le vieux chevalier, qui reçoit le don, d’un mouvement plus libre. Dans leurs attitudes, leurs vêtemens, leurs physionomies, plus rien de conventionnel ; c’est la nature même, c’est la vie, avec sa variété, franchement, résolument observée, simplifiée, ennoblie, la vérité passagère