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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/960

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regrettons de ne pas connaître encore le discours de M. Briand au moment où nous écrivons : après l’attaque, nous aurions voulu entendre la défense, car c’est vraiment à une attaque contre le ministère que s’est livré le Congrès de Rouen, et même à une attaque très vive. Qu’on en juge par l’ordre du jour qui a été voté ; il est ainsi conçu : « Le Congrès, considérant que la politique dite d’apaisement ne sert qu’à la réaction pour lutter avec plus d’ardeur que jamais contre le parti radical et radical-socialiste, est résolu à ne pas changer les méthodes de gouvernement qui ont assuré le succès de la politique laïque, démocratique et sociale ; refuse de s’associer, sous ce prétexte équivoque de l’apaisement, à une politique de compromission réactionnaire qui jette le désarroi dans l’armée républicaine, et donne mandat aux parlementaires du parti de ne soutenir qu’un gouvernement qui s’inspire des principes directeurs de l’esprit laïque, démocratique et social. » En fait de netteté, on ne saurait avoir mieux ; c’est l’excommunication majeure prononcée contre M. Briand et la condamnation de son œuvre. Le Congrès pourtant ne s’en est pas tenu là ; il a envoyé un télégramme à M. Combes pour lui proposer la présidence du comité exécutif du parti. M. Combes s’est empressé d’accepter par un télégramme dont voici également le texte : « Mets condition à offre que vous me faites ; c’est que candidature offerte sera considérée comme candidature d’union entre toutes les fractions du parti radical et radical-socialiste, en vue d’organisation autonome et forte du parti. » Ce sont là des mots. Si le Congrès de Rouen a voulu faire l’union, il n’y a pas réussi. Il a dépassé la mesure ; tous les radicaux-socialistes ne partagent pas son ardeur belliqueuse ; quelques-uns ont déclaré le lendemain qu’ils ne s’associaient pas à son ordre du jour et qu’ils réservaient leur indépendance, et l’un d’eux, M. Verlot, qui avait été désigné comme secrétaire du Comité, a écrit une lettre à M. Combes pour lui notifier qu’il n’acceptait pas cette fonction. Puisque M. Combes veut l’union, il n’a donc qu’à démissionner lui-même. Gageons cependant qu’il n’en fera rien.

Quoi qu’il en soit, la sincérité des sentimens s’est manifestée dans le Congrès sans la moindre retenue. Tous les discours y ont été d’une clarté qui n’a rien laissé à désirer, y compris celui du président, M. le sénateur Vallé. D’autres se sont livrés à des charges de fond plus violentes contre le ministère et sa politique ; mais M. Vallé leur avait ouvert les voies. Pour lui, l’apaisement de M. Briand rappelle d’une manière fâcheuse l’esprit nouveau de M. Spuller. Il ne faut pas d’esprit nouveau, il ne faut pas d’apaisement, il faut persévérer