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simplement le meilleur moyen d’arriver à la vérité, et les règles de Descartes valent pour l’histoire comme pour tout ordre de recherche scientifique. Ne rien admettre comme vrai que ce qui est reconnu évident, c’est toujours le grand et le même principe. Mais on arrive à l’évidence historique autrement que par le raisonnement. On y arrive par l’étude et la critique des sources. Ce sont là à proprement parler les élémens du métier d’historien, qu’on enseigne et qu’on peut enseigner avec fruit sous le nom de méthode historique. Et ces élémens varient selon la période à étudier. L’historien de la Révolution n’a besoin d’aucune « science auxiliaire. » Il peut n’être ni un épigraphiste, ni un paléographe, ni un philologue, ni même un humaniste. Il peut passer pour un érudit sans rien savoir de particulier. Les sources dont il se sert n’offrent d’autre difficulté que d’être nombreuses et en partie encore enfouies dans des cartons d’archives. Et ce dernier inconvénient va en s’atténuant de jour en jour. Depuis une vingtaine d’années on a imprimé une masse de documens. M. Aulard a donné en bien des cas l’exemple ou l’impulsion, il a rendu en cela de grands services, et Taine aurait été le premier à lui en témoigner sa reconnaissance. La collection des documens relatifs à l’histoire de la ville de Paris pendant la Révolution, publiée sous le patronage du Conseil municipal, forme à elle seule une petite bibliothèque. Des monographies consciencieuses nous offrent un tableau circonstancié de l’état d’esprit d’un certain nombre de départemens, en attendant l’époque prochaine où nous pourrons avoir une vue de l’ensemble. Nous commençons à posséder des renseignemens précis et locaux sur la vente des biens nationaux, une des opérations capitales de la Révolution. Les affaires religieuses ont provoqué des recherches et des travaux qu’on ne saurait trop louer. Cet énorme travail de déblaiement préliminaire était à peine entamé lorsque Taine s’est mis à l’œuvre, et c’est pourquoi il s’est trouvé en face de la double tâche d’extraire les matériaux de la carrière et de construire le monument. Dans cette tâche écrasante, s’il a montré parfois quelque hésitation ou quelque fatigue, qui pourrait s’en étonner ?

Nous sommes plus favorisés aujourd’hui. C’est pourquoi la meilleure critique de Taine, et la plus utile, ce serait de faire mieux que lui. Mais de celle-là il n’est pas question, et pour cause. L’histoire, ce n’est pas seulement la science de réunir les