beauté. Aussi, les portraits de ce temps ne sont-ils pas interchangeables, comme ceux du XVIIIe siècle, par exemple. Il est impossible de prendre le duc d’Urbino pour Sigismondo Malatesta, ou la belle Simonetta pour Catherine Sforza ! Nous nous trouvons donc bien en présence des masques humains de ce temps, devant le plus ancien ensemble connu de portraits véridiques tracés d’après une société ardente, homogène et polie.
D’autre part, il se trouve que derrière ces masques fournis par les peintres, une foule de documens intimes, familiers, nous révèlent les visages. Les gens de ce temps tenaient volontiers leur Journal, comme ce Luca Landucci, dont le Diario fiorentino a si souvent servi aux historiens des révolutions florentines. Ils rédigeaient aussi des instructions pratiques pour leurs enfans, des Consigli, selon l’exemple qui leur avait été donné, un siècle avant, par ce Paolo di Pace da Certaldo, dont M. Guido Biagi a déterré le savoureux traité de « bons exemples » et de « bonnes manières. » Ils étaient grands épistoliers, comme cette Alessandra dei Machingi, dont les lettres à ses enfans sont célèbres. Enfin, les rapports des ambassadeurs à leurs gouvernemens, sans être des documens tout à fait intimes, s’en rapprochent beaucoup par la liberté de leurs appréciations, le pittoresque de leurs descriptions, le secret promis à leurs bavardages.
C’est donc peut-être dans les portraits florentins du XVe et du XVIe siècle, que nous avons la plus grande chance de trouver une réponse à la question que nous nous sommes posée-Regardons-les, sans parti pris, partout où nous les trouvons, au Louvre, à Chantilly, aux Uffizi, au Palais Pitti, à Santa Maria Novella. Au premier abord, nous pouvons nous croire transportés parmi des figures toutes nouvelles. Çà et là, une coiffure extravagante, un front à demi rasé, une collerette ou une fraise monstrueuse, peuvent modifier l’aspect superficiel du masque féminin, comme une mode philosophique l’esprit de la femme. Mais examinons de près ces masques, si dissemblables qu’ils puissent paraître de nos contemporaines, — et par-là dignes d’être notés, — peut-être y trouverons-nous plus d’une fois des traits des visages que nous avons connus. Et ainsi verrons-nous que la construction de la figure subsiste en dépit des coiffeurs et des couturiers.
Puis examinons sous ces masques les visages : les âmes