la fait se plaindre Politien, dans l’épitaphe qu’il composa pour elle. Sans le vouloir, il explique, là, notre fresque du Louvre, — « Montré plutôt que donné… » — c’est bien le geste de ces incompréhensibles figures…
Tout aussi secrète est la fresque jumelle du Louvre, encore plus difficile à voir peut-être et encore plus sombre, placée de l’autre côté de la porte qui conduit à la salle du XVIIIe siècle. Pourtant, en regardant bien, on finit par apercevoir le profil d’un jouvenceau, à longs cheveux, en soutane, qu’une jeune femme, aux airs penchés, amène, par le bout des doigts, vers un aréopage de femmes assises en demi cercle, dans quelque bois sacré. Après un moment d’attention, on reconnaît ce profil : c’est celui de la médaille gravée ou au moins inspirée par Niccolo Fiorentino, avec cette inscription : Laurentius Tornabonus, et qui porte à son revers un Mercure habillé et armé avec ces mots : Virginis os habitumque gerens et virginis arma. C’est bien la même tête, le profil pointu, les joues lourdes, les yeux saillans, la ligne du front et du nez quasi concave, que nous devinons ici. C’est donc bien, là, le mari de Giovanna degli Albizzi, « le miroir de l’élégance, » c’est le même jouvenceau qu’on voit dans le chœur de Santa Maria Novella, en la fresque de Saint Joachim chassé du temple, à peu près vis-à-vis de la scène de la Visitation où figure sa jeune femme derrière sainte Elisabeth.
Ici, il est moins désinvolte. Il a l’air d’un jeune homme timide qu’une protectrice présente à un comité de dames chargé de décerner quelque prix. Il se trouve que c’est justement cela, ces dames étant la Philosophie, la Musique, l’Astronomie, la Grammaire, la Rhétorique… Elles lui décerneront le prix de belles-lettres, le prix d’élégance, le prix de goût et de tact en belles médailles qu’il collectionne pour Laurent le Magnifique, enfin le prix de la jeunesse, qui est le plus enviable de tous. On voit mal leurs attributs effacés : parmi ces dames, il y en a qui ont un faux air de Parques, ou de sorcières. Tandis qu’on regarde ce bizarre aréopage, la lumière qui ne se fixe jamais longtemps dans cet escalier Daru se met à passer, le mur se drape d’ombre. Vite, ces figures changent d’aspect et deviennent sinistres. On ne voit plus que des silhouettes, et ces silhouettes sont rangées moins comme des Muses dans un bois sacré que comme des juges dans un tribunal.
A mesure que l’ombre s’épaissit, des souvenirs nous