même de ses allures. Son père lui persuada de s’orienter plutôt vers le Conseil d’État, dont l’entrée était au concours. Il déféra à cet avis, il prépara cet examen spécial, en même temps que son doctorat en droit, et réussit dans cette double entreprise.
C’est à ce point de sa carrière que nos routes se croisèrent, que se nouèrent les liens d’amitié, dont je garde le doux et impérissable souvenir. Qui, du reste, de ceux qui l’ont connu dans cet épanouissement de la vingt-cinquième année, peut avoir oublié ce charmant camarade, tout pétillant d’entrain, d’esprit, de fantaisie, doué, en même temps, d’un imperturbable sang-froid qui ajoutait à ses saillies une saveur toute spéciale ? Puis, au sortir des heures de joie, le sérieux reprenait ses droits ; le jeune homme ardent au plaisir redevenait le travailleur exact, acharné à la tâche, débrouillant un dossier tout gonflé de pièces officielles et de notes administratives avec la même lucidité, le même souci de justice et de vérité, qu’il apportera par la suite à dépouiller les liasses poudreuses des documens d’histoire.
J’ignore ce qu’est actuellement devenue, au point de vue de l’esprit qui y règne et des rapports entre collègues, la vieille demeure dont la façade s’érige sur la place du Palais-Royal ; mais au Conseil d’Etat où nous passâmes, Vandal et moi, plusieurs années de notre vie je dois rendre ce témoignage qu’on ne saurait imaginer milieu plus sympathique, plus simplement cordial, j’allais écrire plus familial. Malgré la différence des grades, des âges, des origines, — les uns issus du régime impérial, les autres ne datant que de la République, — à tous échelons de la hiérarchie, depuis le président Andral, l’aménité et la bienveillance en personne, jusqu’au plus modeste auditeur, partout une camaraderie affectueuse, une fraternelle entente, partout l’abandon, la confiance, le ton de la bonne compagnie. On eût pu se croire dans un « cercle, » un cercle où l’on causerait beaucoup, mais où l’on travaillerait aussi. Pour Vandal, comme pour beaucoup d’autres, ce fut un déchirement réel, le jour où l’odieuse politique vint rompre cette intimité, disperser ce groupement aux quatre vents du ciel. Malgré ses attaches personnelles, l’indépendance de ses idées, il ne fut pas de la première charrette. Pendant quelques années encore, il persévéra dans la voie où l’avait jadis engagé, où le maintenait encore la déférence envers des désirs respectés. Il y remplissait son devoir, sans passion, mais avec conscience, avec succès aussi,