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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/468

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une intensité de couleur et de vie non moins saisissante, remplit les 350 pages compactes du nouveau Kubinke.


Cet Emile Kubinke que nous révèle aujourd’hui l’auteur de Jettchen, Gebert est lui-même, comme on l’a pu voir, un jeune garçon coiffeur, récemment engagé par l’élégant et solennel M. Ziedorn, dont le magasin occupe le rez-de-chaussée d’une grande maison neuve, dans l’un des nouveaux quartiers de la capitale prussienne. Dès le lendemain de son entrée au service de M. Ziedorn, Kubinke reçoit l’ordre d’aller raser et coiffer, chaque matin, une demi-douzaine de cliens, logés avec plus ou moins de luxe à des étages divers de la même maison ; et c’est ainsi qu’il a l’occasion de rencontrer tous les jours, sur les paliers des étages ou dans l’appartement des cliens susdits, trois jeunes demoiselles d’origine très modeste, la « grosse » Hedwige, la « longue » Emma, et la « rousse » Pauline, celle-ci employée en qualité de femme de chambre chez le riche négociant juif M. Max Lœwenberg, tandis que les deux autres se trouvent être, dans d’autres ménages moins cossus, ce que nous appelons à Paris des « bonnes à tout faire. » Emile Kubinke, à vingt-deux ans, et peut-être sous l’inspiration de cet actif et joyeux Printemps qui tâchait tout à l’heure à calmer son impatient désir de profiter du premier « véritable dimanche, » éprouve tout de suite la tentation d’adresser un sourire amical à ces trois demoiselles, dont chacune a pour lui sa beauté et son charme propres, encore qu’au secret de son cœur il ne puisse s’empêcher de préférer à la « grosse » Hedwige aussi bien qu’à la « longue » Emma la douce et souriante femme de chambre de Mme Betty Lœwenberg. Un soir, notamment, la « rousse » Pauline la prié de venir la coiffer en « Pompadour, » pour un bal costumé où elle a coutume d’aller une fois par an ; et pendant qu’ensuite il se tient en arrêt devant la porte de la maison, avec la tendre espérance de pouvoir peut-être obtenir de Pauline, lorsqu’elle sortira, l’autorisation de l’aider à monter en voiture, voici que la « grosse » Hedwige s’empare de son bras, et, presque de force, l’entraîne par une longue série de rues mal éclairées jusqu’à un parc voisin ! Car cette terrible petite personne vient d’être abandonnée par son « fiancé, » et compte sans hésiter sur la collaboration du garçon coiffeur pour châtier l’infidèle, si le hasard lui permet de le retrouver. Après quoi les deux jeunes gens reprennent le chemin de la maison, n’ayant point rencontré le volage « fiancé, » et la grosse Hedwige, avant de recevoir les adieux de son compagnon, daigne lui promettre de « sortir » avec lui le dimanche suivant. Ce dimanche