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quand le capitaine de service ouvrit la porte, son képi levé, en criant : « La guerre est déclarée ! » Le général de Clérembault était près de moi, il se jeta dans mes bras. La foule, derrière la grille, applaudit. Je n’ai de remords, ni de cet embrassement, ni de la lettre au duc de Gramont[1]. » À ce moment-là, personne dans l’armée, sauf quelques rares grincheux, qui ne pensât et ne parlât aussi fièrement.


VII

Devant un état d’esprit aussi réconfortant de la grande majorité de la nation n’eût-il pas été imprudent de paraître alarmés de la scélératesse d’une poignée de coquins et de substituer à la résistance vaillante de la sagesse publique des rigueurs dont elle n’eût pas compris la nécessité ? Il nous suffit de la seconder par une vigilante application de la loi commune. J’allai donc expliquer à l’Empereur qu’en principe, j’étais de son avis et que nous étions résolus à écraser les Français infâmes qui se faisaient les auxiliaires de l’ennemi ; nos doctrines libérales n’avaient rien qui nous l’interdît ; dans les pays les plus libres il est admis que même les garanties constitutionnelles doivent être suspendues en cas de péril extérieur ou intérieur, et nous étions décidés à établir une dictature aux mailles serrées, et à ne pas laisser périr l’Etat et la dynastie par pharisaïsme libéral ou par crainte de l’impopularité. Mais, quand on frappe, il ne faut pas s’en tenir aux répressions anodines, il faut sévir avec la dernière énergie, afin que l’ennemi ne se relève pas du coup. Une nécessité évidente donne seule ce droit d’une répression impitoyable : or, le moment n’était pas encore venu d’invoquer la loi de salut public et de prononcer le caveant consules ; si les circonstances devenaient difficiles, nous ne reculerions pas devant la responsabilité des mesures les plus énergiques, et nous allions dès maintenant préluder à une action vigoureuse par une sévère application des lois existantes. L’Empereur me laissa maître de suivre mes inspirations. Nous ne proposâmes aucune loi exceptionnelle contre les réunions et contre la presse,

  1. Gaulois du 10 juin 1909.