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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/511

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honneur d’apposer sa signature au bas d’un pareil document est un acte qui qualifie un homme d’Etat et le stigmatise aux yeux de l’opinion. M. Emile Ollivier est jugé dès aujourd’hui. Nous attendrons patiemment sa condamnation. Elle sera aussi prochaine qu’éclatante. » Et il mettait le comble à ses invectives en m’appelant vice-Rouher ! Si les bienveillans s’exprimaient de la sorte, imaginez le fracas que firent les hostiles : « En Angleterre, disait le Siècle (28 juillet), pays de publicité et de liberté, un ministère qui proposerait une pareille mesure serait immédiatement mis en accusation. » Les intransigeans de Droite ne furent pas moins bruyans, sauf le Pays, qui, ce jour-là, mit alors l’intérêt public au-dessus de ses rancunes personnelles Par contre, le Volontaire de Duvernois et le Public de Dréolle se signalèrent. Auprès de l’article de ce dernier, porte-plume de Rouher, ceux de Delescluze, du Réveil, étaient des aménités.

L’arrêté, disait-on, était trop général. Comment ne l’aurait-il pas été ? Il n’y avait pas moyen d’établir une démarcation légale précise entre ce qui étant dangereux devait être interdit, et ce qui ne l’étant pas pouvait être toléré. Dans de telles situations, on doit interdire tout, quelques inconvéniens qui en résultent, afin d’être plus assuré que ce qui est dangereux ne se glissera pas sous le couvert de ce qui paraît ne l’être pas.

Les indiscrétions continuèrent et l’Empereur m’écrivit pour s’en plaindre : « Mon cher monsieur Emile Ollivier, Je vois que les journaux donnent des nouvelles sans penser qu’ils font mal. Aussi, je vous prie de faire venir les rédacteurs des journaux et de leur dire que tout mouvement de troupes dévoilé est une trahison. Ainsi le Figaro d’aujourd’hui, 24 juillet, dit que je suis monté en voiture pour voir passer la division Guyot de Lespart, qui a quitté son cantonnement du polygone pour aller bivouaquer à Brumath et à Haguenau. C’est vraiment déplorable de voir une telle absence de patriotisme. Croyez à mon amitié. »

Chevandier, qui recevait les journalistes, leur transmit la prière de l’Empereur ; je fis de même. De plus, j’insistai sur mon arrêté par une circulaire aux procureurs généraux : « Le secret des opérations militaires, surtout dans l’époque préparatoire, est la condition même du succès de toute armée. Aussi avions-nous espéré que le sentiment patriotique suffirait pour interdire aux, journaux, sur les mouvemens de nos troupes, des indiscrétions dont l’ennemi profite. Tandis qu’un grand nombre de journaux