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gens qui s’arrogent le droit de parler en leur nom. C’est ainsi qu’a éclaté la récente grève des chemins de fer. Le gouvernement, cependant, avait, à différentes reprises, montré une extrême sollicitude pour les employés des voies ferrées ; il avait poussé la bienveillance à leur égard jusqu’à l’illégalité, en faisant modifier par le Parlement, quoique le cahier des charges fait avec les Compagnies ne lui en conférât pas le droit, les conditions d’âge et de quotité de retraites des employés de chemins de fer. Ces libéralités furent considérées comme des preuves de faiblesse : la grève éclata sur le réseau du Nord ; elle gagna et avec plus de violence celui de l’Ouest-Etat ; cette constatation est remarquable : l’administration des chemins de fer de l’Etat a déclaré que, depuis deux ans environ qu’elle a racheté le réseau de l’Ouest et qu’elle l’exploite, elle a accru de 15 millions la dépense en personnel. Il serait superflu d’examiner ici les revendications des grévistes : le rapporteur de la Commission du budget pour les conventions avec la Compagnie, M. Lafferre, aujourd’hui ministre du Travail, en a estimé le montant à 252 millions. Le budget, non seulement des Compagnies, mais de l’Etat, partie exploitant, partie garant, serait complètement écrasé par des charges de ce genre. Il suffit, d’ailleurs, de rappeler que le recrutement du personnel des chemins de fer s’effectue avec la plus grande facilité : pour une place vacante, il y a une dizaine de demandes. On se plaint constamment de l’abandon des campagnes : est-ce le moyen d’y maintenir des ouvriers que d’augmenter sans cesse les avantages déjà notables qu’ont les employés des services publics relativement aux ouvriers des champs ?

La dernière grève a avorté au bout de peu de jours ; la plupart des employés, même pour les deux réseaux atteints, le Nord et l’Ouest-Etat, sont restés à leur poste, bien que, d’après certains renseignemens, il y ait eu, à un moment, 6 000 employés manquant sur le réseau de l’Ouest-État, qui en compte 25 000. Heureusement, le personnel des trois autres grands réseaux voisins, ceux de l’Est, du Paris-Lyon-Méditerranée et de l’Orléans, ne s’est aucunement laissé entraîner. Il y a eu, au contraire, sur le réseau excentrique du Midi, mais d’une façon tardive et sporadique, quelque agitation, qui aurait pu, si la situation était restée quelque temps tendue, aboutir à une grève partielle.