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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/607

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tous les services publics ; ce serait 400 à 500 millions que le gouvernement et le Parlement auraient à trouver ; les vainqueurs leur laisseraient cette besogne ardue.

Les dirigeans des grands syndicats ont même une autre prétention, qu’on a affichée en Italie et qu’on commence à formuler en France. Ils voudraient que toutes ces différentes grandes exploitations, conduites aujourd’hui par l’État ou par les Compagnies concessionnaires, fussent remises au personnel qui les administrerait par ses autorités syndicales et verserait aux pouvoirs publics l’excédent des recettes sur les dépenses, s’il restait quelque chose de liquide. Postes, télégraphes, téléphones, voies ferrées, tramways, installations d’eaux, d’électricité, de gaz, deviendraient ainsi la propriété corporative des syndicats ouvriers : ce seraient les autorités syndicales ouvrières qui choisiraient les directeurs, ingénieurs, contremaîtres, qui commanderaient les fournitures, etc.

Voilà la Révolution syndicaliste au premier degré. On serait, sans doute, entraîné à passer vite au second degré : les ouvriers de toutes les industries, les ouvriers terriens également, se sentiraient pris d’émulation et revendiqueraient aussi qu’on remît à leurs syndicats tous les instrumens de travail, quitte à promettre en redevance aux possesseurs actuels évincés l’excédent éventuel des recettes sur les dépenses ou une part de cet excédent. Alors la révolution syndicaliste serait intégrale.


V

Y a-t-il quelque chance que cette révolution s’accomplisse, à une date plus ou moins prochaine ou, tout au moins, qu’on la tente ? Évidemment, le milieu social, les intérêts actuels, les habitudes traditionnelles opposeront une résistance : et l’on peut penser que celle-ci, lors de la première expérience, sinon peut-être toujours, sera efficace et triomphera. Il n’est pas absolument certain, toutefois, qu’il en sera ainsi indéfiniment quand les expériences se répéteront et que l’esprit public sera plus familier avec ces tentatives et ces conceptions. En tout cas, les secousses auxquelles donneraient lieu ces mouvemens syndicalistes révolutionnaires concertés seraient graves et par elles-mêmes et par leurs conséquences : outre l’immense perturbation dans le crédit et dans la production, et l’amoindrissement