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VOLTAIRE

III[1]
CIREY, VERSAILLES, BERLIN (1734-1754)


I

Fuyant l’orage que venait de soulever la publication des Lettres philosophiques, Voltaire s’était empressé de mettre d’abord la frontière entre lui et les ordres du roi. Ce n’était pas qu’il eût peur, il avait seulement « une aversion mortelle pour la prison, » ainsi qu’il l’écrivait à son ami d’Argental, et malade comme il prétendait l’être, « un air enfermé » l’aurait achevé de tuer. Mais, comme ni le roi, ni le ministre, — c’était alors M. de Chauvelin, — n’en demandaient autant, et que Voltaire le savait bien, il s’était promptement remis de sa première alarme, et tandis que l’on brûlait ses Lettres à Paris, il paradait au camp devant Philipsbourg, où c’était à qui lui ferait fête. Enfin, de là, tout à fait rassuré, comptant d’ailleurs au besoin sur ses nombreux et puissans amis, il rentrait en France, et après quelque hésitation sur le choix d’un asile, il acceptait au château de Cirey, — Cirey-sur-Blaise, dans le département actuel de la Haute-Marne, — l’hospitalité de Mme du Châtelet. Entre « cent

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 novembre 1910.